Depuis février 2024, les mutuelles se sont engagées dans différentes initiatives pour dénoncer l’impact sanitaire des pesticides. L’organisateur de cette mobilisation est cofondateur du collectif antipesticides Secrets Toxiques
En janvier 2024, Le Monde a publié une tribune intitulée « Pesticides : tirons du drame de l’amiante des leçons pour l’avenir », signée par un collectif de quarante responsables de mutuelles de santé.
Les auteurs y fustigent le « poids des lobbys » et n’hésitent pas à invoquer le biologiste Gilles-Éric Séralini, pourtant discrédité de longue date. Y figurent aussi les éléments de langage classiques des ONG antipesticides ne jurant que par le « zéro phyto, 100 % bio », avec la mise en œuvre « au plus vite des pratiques agroécologiques respectueuses de la santé ». Pointant du doigt ces produits « fabriqués à base de pétrole et contenant des poisons cachés », les auteurs assurent que « notre système de protection sociale ne pourra pas supporter une hausse continue des maladies ayant pour cause des perturbations hormonales et nerveuses ».
De telles affirmations, à ranger aux côtés de celles des associations écologistes, doivent beaucoup au travail de Martin Rieussec-Fournier, l’instigateur, depuis le début de l’année, d’une fronde antipesticides au sein du monde mutualiste. Dans un billet publié le 21 mars sur le site du média activiste Basta!, le militant et administrateur de La Mutuelle Familiale se félicitait ainsi « que les mutuelles appellent à agir contre les dangers des pesticides » après être restées longtemps absentes du débat public sur le sujet. Une prise de position qui peut paraître étonnante pour une structure dont la vocation – en tout cas aux yeux du commun des mortels – n’est que de rembourser des feuilles de soins à ses adhérents… Or, de fait, le mouvement mutualiste, refusant d’être cantonné à la logique assurantielle, se revendique également comme un acteur politique et social.
Pedigree d’un militant
Martin Rieussec-Fournier, qui a exercé comme ostéopathe à Oloron-Sainte-Marie (Nouvelle-Aquitaine), s’est engagé sur les questions de santé environnementale dès ses années d’études, à la suite du décès d’un étudiant de sa promotion emporté par une leucémie et de drames survenus dans son entourage. En effet, sa cousine est morte à 16 ans d’une tumeur au cerveau, « alors qu’elle avait vécu proche de champs arrosés de pesticides », et son cousin a succombé à vingt ans à une leucémie, « alors qu’il adorait ramasser des champignons dans le Vercors, où il y a eu des retombées radioactives suite à la catastrophe de Tchernobyl ». Ces événements expliquent l’opposition farouche du jeune homme aux pesticides, et sa participation, dès 2009, à la création du collectif L’Appel de la jeunesse (rebaptisé Générations Cobayes en 2015). Ce collectif, dont l’objectif est de « stopper l’épidémie de maladies chroniques en sensibilisant tous les jeunes entre 18 et 35 ans aux enjeux de santé environnement », a été lancé grâce à l’appui d’associations comme Générations Futures, le Criigen et le Réseau Environnement Santé, et il est parrainé par Gilles-Éric Séralini et Marie-Monique Robin.
Martin Rieussec-Fournier s’est engagé sur les questions de santé environnementale à la suite du décès d’un étudiant de sa promotion emporté par une leucémie
En janvier 2019, Martin Rieussec-Fournier est devenu président de la Fondation Santé Environnement de La Mutuelle Familiale, une mutuelle créée en 1937 par les métallurgistes CGT de la région parisienne. Cette fondation, qui a pour vocation de « soutenir la recherche en santé environnement, [de] sensibiliser l’ensemble des acteurs à l’impact de l’environnement sur la santé et [de] diffuser à tout le personnel scientifique, médical, paramédical et social », compte dans ses rangs le professeur Charles Sultan, président du comité scientifique de Générations Futures et membre du Criigen, et Philippe Perrin, « éco-infirmier » formateur auprès de l’association écologiste WECF-France.
En outre, Martin Rieussec-Fournier est l’un des initiateurs et l’ancien directeur de la campagne Secrets Toxiques, qui a vu le jour à la demande de Séralini, en mai 2020. « [Gilles-Éric Séralini] me contacte, car il est en train de finir une nouvelle étude scientifique mettant en lumière des poisons cachés dans les pesticides sans glyphosate. […] Il souhaite que je mette en œuvre, en prenant appui sur sa nouvelle étude, une campagne avec plusieurs associations afin de porter plainte pour fraude à l’étiquetage, mise en danger de la vie d’autrui, atteinte à l’environnement et carences fautives de l’État », relate ainsi Martin Rieussec-Fournier dans un livre publié en 2023 (Secrets Toxiques, Faire face ensemble au scandale des pesticides, éditions Jouvence). Depuis lors, Secrets Toxiques a fédéré 77 structures (dont Nature et Progrès, Campagne Glyphosate, Générations Futures, la Confédération paysanne…) et a nommé comme coprésident le Faucheur Volontaire d’OGM Dominique Masset.
À l’instar de Séralini et d’autres acteurs clefs de Secrets Toxiques, Martin Rieussec-Fournier flirte avec la complosphère antivaccin, dont il n’a pas hésité à relayer les avis sur sa page Facebook pendant l’épidémie du Covid. C’est ainsi que, entre 2020 et 2021, il a fait la promotion de figures vaccinosceptiques comme Jean-Dominique Michel ou Laurent Mucchielli, mais aussi celle de la vidéo polémique de Christian Vélot (Criigen) ainsi que du site du collectif antivaccin Réinfocovid.