Dans un jugement rendu le 13 juin, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande formulée par Générations Futures et FNE de suspendre l’autorisation provisoire de mise sur le marché accordée à l’Avanza. Afin d’asseoir sa décision, le juge s’est largement appuyé sur les travaux en cours de l’Efsa
L’affaire a démarré le 27 mars dernier, lorsque le militant écologiste Hugo Clément s’en est pris le 14 mars au ministère de l’Agriculture pour l’usage de l’Avanza, un herbicide utilisé dans les rizières de Camargue depuis 2021, bien qu’il soit encore en cours d’évaluation par l’agence européenne en charge de l’homologation des produits phytosanitaires, l’Efsa. Une dérogation essentielle, selon les services de la rue de Varenne, car il s’agissait de permettre aux cent cinquante producteurs camarguais de riz engagés dans une démarche IGP (Indication géographique protégée) garantissant aux consommateurs français des riz de haute qualité cultivés dans le plus grand respect de l’environnement, de poursuivre leur activité, alors que la France est déjà importatrice de riz pour 90% de sa consommation.
Mais de tout cela, Hugo Clément se soucie peu : « Le problème, c’est que l’Avanza est très toxique pour les organismes aquatiques et qu’il entraîne des effets néfastes à long terme. C’est écrit noir sur blanc dans la notice du produit », s’est ainsi insurgé l’un des chroniqueurs de l’émission « En toute subjectivité ». « L’Avanza pourrait aussi menacer la flore camarguaise », a martelé Hugo Clément dans un réquisitoire à charge où il relevait la crainte de Christelle Aillet, maire Les Républicains de Saintes-Maries-de-la-Mer, d’une « possible contamination de l’eau potable de sa commune ».
Sans surprise, les médias se sont aussitôt saisis de cette nouvelle affaire, reprenant sans discernement les éléments de langage anxiogènes du journaliste militant : « interdit en temps normal », « très toxique pour les organismes aquatiques », « menace pour la flore ».
Sans surprise, les médias se sont aussitôt saisis de cette nouvelle affaire, reprenant sans discernement les éléments de langage anxiogènes d’Hugo Clément
Idem pour la section locale des Écologistes qui a publié un communiqué de presse, tandis que France Nature Environnement (FNE) et Générations Futures (GF) ont saisi la justice pour obtenir la suspension de son autorisation de mise sur le marché en France, alors que ce produit, aujourd’hui indispensable faute de disposer d’autres alternatives, est couramment utilisé chez nos voisins européens d’Italie, d’Espagne, de Grèce et du Portugal.
Le tribunal s’appuie sur la science
« La décision du tribunal administratif de Melun est tombée le 13 juin, rejetant la demande des deux associations », s’est félicité l’avocat du syndicat des producteurs de riz, Timothée Dufour. « Dans une ordonnance particulièrement motivée, le juge des référés a considéré qu’en l’état de l’évaluation réalisée au niveau européen, l’usage temporaire de l’herbicide – du 14 mars au 11 juillet – n’a pas d’effet direct et significatif sur l’environnement », a-t-il précisé.
Et bien que GF et FNE aient présenté plusieurs milliers de pages de diverses expertises chinoises, australiennes ou autres, et mentionné des passages d’études prises hors contexte, le juge a estimé qu’aucune d’entre elles n’apportait « d’élément de nature à remettre sérieusement en cause les connaissances scientifiques et techniques actuelles ». Autrement dit, le tribunal a préféré se fier aux conclusions du travail de l’État membre en charge du dossier pour l’Efsa. Celui-ci a estimé que « l’état des connaissances actuelles fait ressortir un risque acceptable, dans les conditions d’utilisation préconisées, y compris pour les oiseaux, les mammifères, les organismes aquatiques, les abeilles, les autres arthropodes non ciblés, les vers de terre, les autres macro-, méso- et micro-organismes non ciblés et les plantes terrestres non ciblées ». Bref, contrairement à Hugo Clément, le juge ne s’est pas borné à lire la notice d’emploi du produit. « Qu’un tribunal s’appuie sur les travaux en cours pour l’Efsa, dont le rôle est précisément d’éclairer les décideurs sur les risques encourus pour les pesticides, est très rassurant », s’est réjoui Timothée Dufour.
Comme l’a souligné la journaliste de L’Opinion Emmanuelle Ducros, « la décision est d’autant plus intéressante qu’elle ne concerne pas une matière active en fin de course, méritant de sortir du marché. Au contraire, il s’agit d’un produit en cours d’évaluation, c’est-à-dire avec un profil toxicologique plutôt rassurant ». Un retrait de cette dérogation décidé par la justice aurait donc incontestablement constitué un précédent rendant compliquée la substitution d’anciennes molécules par de nouvelles.
« Qu’un tribunal s’appuie sur
les travaux en cours pour l’Efsa, dont le rôle est d’éclairer les décideurs sur les risques encourus pour les pesticides, est très rassurant », s’est réjoui l’avocat Timothée Dufour
Du côté du ministère de l’Agriculture, on confirme que la dérogation de l’Avanza avait été accordée précisément parce que le processus d’évaluation en cours avait d’ores et déjà écarté les risques importants : « Les phytosanitaires ne sont pas neutres pour l’environnement ou la santé, mais l’Avanza n’appartient pas à la catégorie des produits les plus risqués, dits CMR1 ou 2, pour la plupart déjà interdits. »
Cet épisode ne signe cependant pas la fin des hostilités. « La requête sur le fond peut encore aboutir », a fait savoir Olivier Gourbinot, l’avocat de FNE, qui a confirmé vouloir « poursuivre le combat ». « Nous allons continuer à travailler sur l’usage des pesticides et herbicides en Camargue », a indiqué l’avocat, en révélant avoir également dans son viseur la bentazone…