AccueilEditoL’engrais qui finance l’effort de guerre… russe

L’engrais qui finance l’effort de guerre… russe

« Depuis le début de la guerre, en février 2022, l’Europe a acheté pour près de 6 milliards d’euros d’engrais à la Russie. C’est comme si nous financions directement son effort de guerre, c’est à peine croyable ! », s’est insurgé Svein Tore Holsether, le PDG du géant norvégien des engrais Yara, lors d’une rencontre dans un hôtel parisien avec la journaliste du Point Géraldine Woessner.

La situation est, en effet, invraisemblable. Alors que la Commission européenne multiplie les sanctions contre Moscou et se félicite de réduire ses importations de gaz russe, l’Union européenne ne fait qu’accroître ses importations d’engrais azotés russes, qui sont ainsi passées en cinq ans de 2,25 à 2,52 millions de tonnes, comme le résume Le  Point. En clair, si la Russie de Poutine vend moins de gaz, c’est pour exporter davantage d’engrais ! Pour comble de l’absurde, ces exportations lui rapportent une manne officiellement baptisée « taxe de guerre », puisqu’elle alimente directement l’effort militaire russe.

« Cette situation aberrante est la conséquence d’un mécanisme hautement prévisible, et implacable », décrypte Géraldine Woessner, qui dévoile dans son article comment l’Union européenne s’est laissé piéger. Comme le gaz représente jusqu’à 80 % du coût de production des engrais azotés, et que le prix du gaz en Europe oscille aujourd’hui autour de 14  dollars par million de BTU (British Thermal Units), contre seulement 1,5 dollar en Russie – et 3 dollars aux États-Unis, qui bénéficient notamment de l’exploitation du gaz de schiste –, les producteurs russes inondent le marché européen avec des engrais à bas prix, mettant à genoux l’industrie européenne des engrais. Le géant Yara lui-même, qui a pourtant les reins solides et fournit une ferme française sur deux, a vu son chiffre d’affaires chuter de 35 %, passant de 24 milliards à 15,6 milliards d’euros, et son bénéfice s’effondrer de 2,8 milliards à 54 millions de dollars en 2023 ! Son usine de Montoir-de-Bretagne a d’ailleurs cessé sa production pour se convertir en terminal d’importation, avec l’objectif d’importer prochainement des engrais bas carbone produits notamment… aux États-Unis.

« L’Europe s’est elle-même piégée avec sa réglementation », déplore la journaliste du Point. En effet, à force de suivre les injonctions des adeptes du Green Deal – standards environnementaux hors-sol, obligation des entreprises européennes de baisser à n’importe quel coût leurs émissions de CO2 et interdiction de l’exploitation du gaz de schiste –, la Commission a fait en sorte que la production européenne d’engrais ne soit plus en mesure de faire face à la concurrence internationale, alors que nos frontières restent grandes ouvertes aux engrais bon marché. Pas vraiment l’idéal pour renforcer notre souveraineté alimentaire…

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