Entretien avec Jacques Cazaurang : apiculteur dans les Pyrénées Atlantiques, qui a participé au colloque sur la mortalité des abeilles organisé par
Pourquoi avez-vous accepté de participer à un colloque organisé par BASF, sachant que cette société est partie prenante dans le dossier du Régent TS ?
J’aurais en effet préféré que des institutions professionnelles, encadrées par le ministère de l’Agriculture, prennent l’initiative d’organiser un tel colloque. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Or, le problème de la mortalité des abeilles, auquel je suis moimême confronté, est trop grave pour laisser passer n’importe quelle occasion qui nous permette d’en savoir plus. Je ne me contente pas de solutions dictées ou de fatalités. La mortalité peut être consécutive à diverses causes et le problème n’est pas nouveau. Au cours des années 1960, mon père possédait dans sa petite exploitation agricole huit à dix ruches, qui ont toutes été décimées. A ma connaissance, seule la société BASF a osé ouvrir ce débat. C’est la raison pour laquelle j’ai accepté son invitation, comme un certain nombre d’autres apiculteurs.
Pourquoi ne pas avoir invité les journalistes à ce colloque ?
Je déplore et regrette l’idéologisation médiatique et les passions que ce sujet suscite trop fréquemment. Par exemple, lors de l’Assemblée générale du Groupement de défense sanitaire apicole (GDSA), j’avais refusé de signer une motion demandant le retrait du Gaucho et du Régent, ce qui m’a valu d’être pris à partie par un esprit échauffé. Les apiculteurs présents lors du colloque ont souhaité travailler sereinement, sans tapage médiatique, afin de pouvoir confronter librement leurs observations avec les informations et les résultats d’enquêtes présentés par différents intervenants. Je ne peux passer sous silence l’excellent état d’esprit, la rigueur et la transparence dont ont fait preuve tous les participants au colloque. Les principaux intervenants, comme M. Delorme de l’Inra de Versailles, M. Rozenkranz, professeur à l’Institut apicole de l’Hohenheim (Stuttgart), M. Frans Jacobs, professeur de physiologie à l’Université de Gand, en Belgique, nous ont semblé compétents et vraiment décidés à nous faire bénéficier de leur grande expérience et de leurs nombreuses enquêtes. Les apiculteurs qui étaient présents sont convaincus qu’il est urgent d’avoir un dialogue ouvert et franc sur le problème de la mortalité des abeilles. Des zones d’observation régionales (ZOR) ont été mises en place afin d’évaluer la responsabilité des insecticides utilisés pour les cultures. Malheureusement, plusieurs apiculteurs de certaines régions n’ont pas souhaité y participer, ce qui a entravé la collecte des informations nécessaires.
Quelles sont les principales pistes retenues pour expliquer la mortalité des abeilles ?
De nombreux témoignages d’apiculteurs, exploitant pour certains jusqu’à 1500 ruches, et provenant de différentes régions de France, transhumants ou sédentaires, de la plaine, la moyenne montagne ou la montagne, ont illustré les problèmes rencontrés. Différen-tes pistes comme les conditions climatiques, les carences alimentaires – essentiellement absence de pollen ou pollen de mauvaise qualité -, peuvent en grande partie expliquer les problèmes de colonies faibles, de ruches bourdonneuses (ruches sans reine ou reine ne pondant plus) et d’hécatombe en sortie d’hiver. Il faut savoir qu’une colonie de 20 à 30.000 abeilles a un besoin annuel de 30 à 40 Kg de pollen, réparti sur la période de février à août, lors de la présence intensive de couvain (partie de la ruche où la reine a pondu, ndlr). Or, la spécialisation des productions agricoles conduit à des cultures intensives et à des régions monoculturales, donc monoflorales. Enfin, l’acarien varroa destructor et les maladies virales ont aussi des responsabilités indéniables dans le problème des abeilles. D’un commun accord, nous avons décidé de poursuivre nos discussions et de nous retrouver début 2005. J’espère que d’ici là, d’autres organismes se joindront à cette démarche, y compris parmi les syndicats des apiculteurs, afin de ne pas laisser BASF seul dans cette initiative.