Lundi 27 novembre 2006 : grand jour pour Frank Aletru ! L’apiculteur vendéen a enfin reçu les insignes de chevalier du Mérite agricole. En 2004, Philippe de Villiers était « intervenu auprès de Monsieur le Premier Ministre afin de lui recommander la nomination de [son] ami Frank Aletru dans l’Ordre du Mérite » – comme en témoigne une lettre qui circulait alors parmi les apiculteurs -, mais cette requête avait été refusée. Aujourd’hui, le « parcours exceptionnel de cet homme attaché à la terre » est enfin reconnu. Selon l’édition d’Ouest France du 29 novembre, Frank Aletru aurait, dans un geste de générosité, « associé tous les apiculteurs de Vendée à sa décoration ». Mais pourquoi donc seulement les apiculteurs de Vendée, et non pas l’ensemble des apiculteurs de France et de Navarre ? Peut-être parce que ses collègues des autres départements n’apprécient pas vraiment son travail à sa juste valeur.
Prenons par exemple le Syndicat des apiculteurs du Centre et du Berry, avec lequel l’apiculteur vendéen a entretenu une collaboration des plus étroites…En tout cas, jusqu’au 11 avril 2006, date à laquelle il a menacé le nouveau président du syndicat, Jean-Michel Prompt, de remettre à son avocat une série de documents si ce dernier ne lui remboursait pas deux factures. La somme, imposante, mérite effectivement de faire appel à la justice : il s’agit d’une note de 638,20 euros, à laquelle s’ajoute une autre de 185 euros. Bref, en tout et pour tout 823,20 euros. Mais quand on aime, on ne compte pas ! Surtout quand on est, comme l’a remarqué Philippe de Villiers, cité dans l’article d’Ouest France, « très enraciné, d’une grande rigueur scientifique, merveilleux pédagogue qui écoute le monde des abeilles pour les sauver ». C’est d’ailleurs bien pour « sauver les abeilles » que Frank Aletru réclame son dû, lui qui agit « avec la plus grande discrétion et toujours dans l’intérêt général », comme il l’écrit lui-même. Car, finalement, l’apiculteur vendéen ne réclame rien d’autre que le paiement de factures « concernant une partie de [ses] frais de déplacement liés à l’action menée au ministère de la Justice le 9 janvier dernier », pour relancer l’affaire Gaucho. La somme en litige correspond au remboursement d’un déplacement de 900 kilomètres effectué à bord d’un véhicule de 13 CV, péages autoroutiers inclus. D’ailleurs, « dans un souci d’équité », monsieur Aletru ne réclame qu’une partie des frais au syndicat. « Les frais d’hébergement et repas [ont été] assumés par la Vendée », précise l’ami de Philippe de Villiers. Que diable est-il donc arrivé à Jean-Michel Prompt pour qu’il puisse refuser une demande aussi légitime ?
Une telle chose ne se serait sûrement pas produite avec son prédécesseur, Louis Robrolle, le co-gérant du Domaine apicole de Chézelles. L’ancien président du syndicat comprenait bien, lui, les grands enjeux de l’apiculture. Il reconnaissait parfaitement « cette façon désintéressée » de Frank Aletru, qui « tel De Gaulle, refuse le fatalisme ambiant et continue à se battre malgré l’injustice et la délation ». C’est donc sans hésiter qu’il avait accordé, l’année dernière, une somme de 1 500 euros à la petite association Terre d’Abeilles, dont fait précisément partie Frank Aletru, et qui est présidée par sa propre épouse, Béatrice Robrolle. Il est vrai que l’action menée par Terre d’Abeilles, « ce superbe outil de lobbying », était remarquable ! Grâce à la somme modique de 1 500 euros, Terre d’Abeilles a « généré 52 questions écrites [de parlementaires] pour le retrait du Gaucho et du Régent » ! Avec un montant de cotisation de 10 euros, il lui aurait fallu trouver 150 adhérents supplémentaires pour obtenir la même somme, ce qui est certes moins facile que d’obtenir qu’un petit coup de pouce financier du syndicat de son mari ! Il n’y a vraiment que Jean-Michel Prompt pour ne rien comprendre aux grandes questions apicoles, à tel point que les pratiques de ce dernier, selon les termes de Louis Robrolle, « rappellent trop une période sombre de notre histoire… celle de Vichy, de Pétain, et des collabos ». Diantre ! Entre Aletru dans le costume du Général et Jean-Michel Prompt dans celui de Pétain, ça ne rigole pas, au Domaine de Chézelles !
Tout ceci explique peut-être que le jour même de la décoration de Frank Aletru, la pauvre Béatrice, elle, n’a pas été reconduite dans son mandat au conseil d’administration du syndicat du Centre et du Berry, qui tenait alors son assemblée générale. Lors du vote, l’épouse de l’ex-président n’a même pas récolté 10 voix ! De son côté, Louis Robrolle – qui ne voulait certainement pas être vu en présence de « collabos » -, s’est illustré par son absence.
Quant à Maurice Mary, le père de Béatrice et le beau-père de Louis, il aurait – selon un courrier adressé par Michel Feintrenie, son neveu, chargé la production du Domaine de Chézelles -, conduit « un travail de dénigrement tant au plan local que national » pour « essayer de “casser” son gendre et sa fille ». Et dire qu’il y a à peine un an, lors de l’assemblée générale du syndicat apicole le 26 novembre 2005, tout ce beau monde était encore réuni pour célébrer, sous les applaudissements de Frank Aletru, la nomination de Maurice au titre de chevalier de l’Ordre du Mérite Agricole, pour avoir su « créer à Chézelles l’une des entreprises apicoles les plus importantes d’Europe »…
(1) Au sujet des amitiés entre Philippe de Villiers et Frank Aletru, voir le chapitre « Au service de Philippe de Villiers » dans le livre : « Abeilles, l’imposture écologique »