Malgré quelques voix discordantes, le Grenelle de l’environnement s’est achevé sur un satisfecit assez général des principales ONG écologistes, visiblement séduites par le nouveau discours de Nicolas Sarkozy. Dans l’émission télévisée Duel sur la 3, diffusée le 28 octobre 2007, Yannick Jadot, le porte-parole de Greenpeace, a salué le « changement culturel » qu’apporte le président de la République. Daniel Richard, du WWF, a estimé que ce dernier « avait incontestablement évolué», tandis que José Bové s’est félicité des propos du président sur les OGM…
« Ce que j’ai entendu hier sur la question des OGM, j’ai trouvé que ça allait dans le bon sens. Je voulais quand même le dire publiquement parce que je n’ai pas l’habitude de faire des compliments, et là, je pense qu’il y a eu des propos importants », a-t-il déclaré sur les ondes de France Inter le 25 octobre. La Confédération paysanne considère même la position de Nicolas Sarkozy comme une victoire. « Après des années de combat, après avoir essuyé tous les qualificatifs les plus désobligeants à notre égard, la reconnaissance de la dangerosité des OGM est effective. La Confédération paysanne se voit légitimée dans sa clairvoyance. Peut-être est-ce le début d’une nouvelle ère ? Peut-être est-ce le début de la prise en compte des dégâts de l’agriculture productiviste ? », peut-on lire dans un communiqué daté du même jour. Enfin, François Veillerette, le président du Mouvement pour les droits et le respect des générations futures (MDRGF), s’est rendu à la réception de l’Elysée en costume-cravate, reléguant pour l’occasion son traditionnel pull-over au vestiaire. Les multiples photos de cet évènement, disponibles sur le site de l’association, montrent un militant radieux. Il est vrai que l’objectif de diminution de 50% des pesticides, annoncé comme la grande percée du Grenelle, ne peut que le ravir. A peine sorti du palais présidentiel, le pourfendeur des pesticides déclarait : « M. Sarkozy, dans son discours final à l’Elysée, a annoncé que M. Barnier avait un an pour mettre en place ce programme de réduction qui devrait s’inscrire dans un calendrier dont l’échéance serait à dix ans, si possible. Nous resterons donc vigilants pour que cette mesure soit appliquée avec efficacité et dans les meilleurs délais. »
Pourtant, dans les couloirs du pouvoir et des organisations agricoles, on peut entendre ici et là que l’enthousiasme des écologistes finira bien par retomber face à la dure réalité. Jean-Michel Lemétayer, le président de la FNSEA, n’a-t-il pas habilement « neutralisé » la réduction des pesticides en faisant ajouter qu’elle serait réalisée « sous réserve de trouver des solutions alternatives possibles et sans objectifs de date » ? Le gel sur les semences OGM n’est-il pas subordonné à la nouvelle loi qui devrait être votée avant les prochains semis, loi qui devrait même garantir la poursuite de la recherche, y compris en plein champ ? Lors du débat sur le financement des partis politiques, un volet ne sera-t-il pas consacré aux financements publics de certaines ONG, comme l’a promis le président de la République ? Les écologistes les plus radicaux – ceux qui placent la Terre plutôt que l’homme au cœur de leur réflexion –, auraient ainsi perdu la bataille. « Le fondamentalisme vert, même s’il continue de régner dans les mots, ne fait plus recette dans le réel », rassure Luc Ferry dans Valeurs Actuelles du 2 novembre 2007. Bref, il n’y aurait pas lieu de paniquer, puisque rien n’échappera au contrôle de l’Elysée. Pas même l’écologisme !
Reste que cette « alliance proprement terrifiante d’une logique de la peur déculpabilisée, de la prééminence des “people” et de la politique médiatique ne présage rien de bon », avertit le philosophe. D’autant plus qu’elle risque de se substituer à celle de la science et de la République, socle essentiel d’une société dynamique tournée vers le futur.