Le 7 septembre dernier, un militant anti-OGM, Pierre Azelvandre, a détruit des porte-greffes transgéniques de vigne à Colmar. Il s’agissait d’une expérimentation menée par l’Inra et destinée à lutter contre la maladie du court-noué, pour laquelle il n’existe aucun traitement. Dès le lendemain, Jacques Muller, sénateur Vert du Haut-Rhin, a condamné très fermement cette action de destruction, la qualifiant de « gâchis humain incommensurable ». Un avis partagé par Michel Breuzard, responsable d’Alsace Nature, une association membre de France Nature Environnement (FNE). Dans le journal L’Alsace du 8 septembre 2009, M. Breuzard a rappelé qu’Alsace Nature avait accepté de participer à un comité de suivi dans lequel « s’est construit au fil des mois un lieu où les chercheurs ont accepté de descendre de leur piédestal et de répondre à toutes les questions ». Il a également souligné que « cette optique de recherche publique a permis au centre de Colmar de réussir le séquençage de la vigne », « un outil moderne qui permet de mieux comprendre d’autres maladies ». Au sujet de cet essai, qui devait se terminer en décembre 2009, il avait même ajouté qu’il était « plutôt favorable à son extension ».
Or, un mois plus tard, volte-face totale. Suite à l’annulation de cette expérimentation par le tribunal administratif de Strasbourg, voilà que les Verts réclament la relaxe du militant anti-OGM alsacien, jugé en correctionnelle à Colmar. L’annulation « bouleverse le contexte dans lequel il convient désormais d’appréhender cet acte isolé », affirme le parti de Cécile Duflot. De son côté, l’association anti-OGM Inf’OGM estime que le jugement du tribunal administratif de Strasbourg « devrait jouer, au moins partiellement », en faveur de Pierre Azelvandre, puisque in fine les pieds de vignes détruits par ce dernier étaient en fait illégaux. A en croire lnf’OGM, Pierre Azelvandre serait plutôt avant-gardiste, à l’instar d’un certain José Bové. D’où la déclaration d’Arnaud Gossement, l’avocat parisien de FNE, qui estime « possible que le tribunal de Colmar prononce sa relaxe au vu de la décision du TA de Strasbourg ».
Pourtant, Michel Breuzard, d’Alsace Nature, qui est à l’origine de la requête présentée le 26 août 2005 pour demander l’annulation de l’essai, a indiqué à A&E que « tout ce qui est reproché par le juge a en fait été mis en place, et cela n’a pas été pris en compte ». Autrement dit, les raisons pour lesquelles le tribunal de Strasbourg a prononcé cette annulation n’existent plus, estime aujourd’hui M. Breuzard, pour qui la situation est « ubuesque ». Car entre le moment où FNE et Alsace Nature ont déposé leur recours et celui de la décision du tribunal, quatre ans plus tard, les associations environnementales ont obtenu totalement satisfaction au sujet de ce qu’elles réclamaient, corrigeant par la même occasion les omissions de l’arrêté ministériel qui sont à l’origine de l’annulation par le tribunal. « Si on avait eu le temps, on aurait sans doute retiré notre recours, puisqu’il n’avait plus lieu d’être », nous a confié Michel Breuzard, qui poursuit : « Il y a un fait que, quand c’est chez les juristes, ça suit son chemin. On pensait que cette question était réglée et que cela s’était soldé par un non-lieu. C’est revenu il y a à peine dix jours. » Il ajoute : « Il n’y avait pas lieu de pousser ce dossier, puisque tout se passait bien. » Jusqu’à ce que Pierre Azelvandre intervienne.
Solliciter la clémence de la justice face à ce « gâchis humain incommensurable », en prenant comme argument une décision du tribunal administratif de Strasbourg décrite par Michel Breuzard comme « ubuesque », est plutôt curieux…