« Il y a eu, à l’égard de mes propos, une très nette déformation (volontaire) de l’information lors du montage audio-visuel », a vivement réagi Farid Boumediene, chercheur au Laboratoire de géographie physique et environnementale de l’Université de Limoges, révolté de retrouver ses propos déformés lors de l’émission de France 3 Limoges, le 25 février dernier. « Nous avons mis en ligne 7 fiches illustrant une méthodologie permettant d’identifier des zones de surincidence de cancers à l’échelle infrarégionale. L’attention médiatique s’est alors focalisée sur la fiche traitant du cancer de la prostate, qui présente une surincidence dans l’ouest de la Corrèze et le sud de la Haute-Vienne, et dont l’interprétation et l’utilisation conduisent aujourd’hui à une désinformation du grand public », poursuit le chercheur. Les mots sont forts et les termes précis : « une désinformation » ! « Il n’y a eu aucune conduite d’étude épidémiologique en population générale traitant du cancer de la prostate et de sa surincidence dans l’ouest de la Corrèze. Il n’est donc pas possible d’établir un lien avec les activités contemporaines de ce territoire », précise le chercheur, qui n’a à aucun moment cité de « zone de pomiculture ». Bref, Farid Boumediene n’a jamais établi de lien entre surincidence de cancers et usage de pesticides dans les zones de pomiculture, comme le suggère dans son reportage Cécile Descubes, journaliste à France 3 Limoges.
Ce n’est pas la première fois que des hypothèses « hasardeuses » sont relayées par la presse, note Farid Boumediene. Il rappelle qu’en 2006, on avait attribué cette surincidence à une probable surconsommation de viandes transformées. « Cette hypothèse, moins connue du grand public, apparaît tout aussi hasardeuse que celle des médias résumant l’ouest de la Corrèze à une pommeraie », souligne le chercheur, qui précise que le Limousin est une région dans laquelle les taux d’incidence sont globalement inférieurs à la moyenne nationale, et que ses habitants bénéficient « de conditions très favorables sur le plan de la concertation et de la gestion et au final de la qualité de vie environnementale (y compris dans l’ouest de la Corrèze) ».
Alors pourquoi la chaîne publique a-t-elle diffusé un reportage biaisé, basé sur une « nette déformation de l’information »? Et pourquoi cette mise en cause des zones de pomiculture ? La réponse est simple : dans quelques jours, des magistrats brivistes doivent se prononcer sur le cas de trois arboriculteurs accusés d’avoir épandu des pesticides « en dépit de la législation ». Par le biais de certains journalistes – qui semblent confondre activités professionnelles et militantisme –, les mouvements écologistes de la région (notamment l’association ONGF Allassac) espèrent ainsi exercer une pression sur la justice. Avec à l’appui une méthode incompatible avec la charte de déontologie du Syndicat national des journalistes (SNJ), qui exige du journaliste de « ne pas supprimer les informations essentielles et ne pas altérer les textes et les documents ». Pour Farid Boumediene, le reportage de Cécile Descubes, déléguée syndicale du SNJ, témoigne pourtant d’une forme grave d’altération de l’information.