Risposte de la filière viande
L’élevage moderne maltraite-t-il les animaux ? La viande est-elle mauvaise pour la santé? Les producteurs de viande détruisent-ils la planète? Autant de questions qui ont été transformées en accusations par le Front anti-viande, composé principalement d’associations de protection des animaux et d’écologistes radicaux de tendance végétarienne. Écrit par deux membres éminents de l’Académie de la viande (son secrétaire, le consultant René Laporte, et l’agronome Pascal Maisant), l’ouvrage au titre évocateur La viande voit rouge ! veut enfin offrir à la viande et à l’élevage «un procès équitable ».
L’effort est louable, voire salutaire. En effet, il n’est jamais inutile de rappeler quelques vérités si souvent oubliées. Non, il ne faut pas 15 000 litres d’eau pour produire 1 kilo de viande, mais entre 300 et 500 litres ! À moins, bien sûr, d’inclure l’eau de pluie qui tombe sur les surfaces de pâturage et alimente rivières et nappes phréatiques…
Non, la viande ne nuit pas à la santé ! Au contraire, elle apporte des protéines de qualité qui se trouvent difficilement ailleurs (voir entretien avec le Dr Thillier, Protéines végétales et animales : des différences notoires, A&E N° 99). Non, l’essentiel de l’élevage n’est pas dominé par les grandes exploitations aux élans industriels situées dans les pays développés. Pays hautement végétarien, l’Inde détient ainsi le plus gros cheptel de bovins de la planète : elle est aujourd’hui le 4e exportateur de viande bovine au monde, juste après le Brésil, l’Australie et les États-Unis. En revanche, l’Union européenne est devenue importatrice nette de viande! Et consommer de la viande bovine française devient de plus en plus difficile…
En ce qui concerne la production de viande de porc, c’est la Chine qui domine largement le marché mondial. «Qui convaincra les Chinois de diminuer, voire de stopper la production de porc ou de volaille, au motif que l’élevage polluerait et affamerait la planète ? », s’interrogent lucidement les auteurs. Certainement pas Brigitte Bardot…
Nos lointains ancêtres
Toutefois, ces rappels de bon sens sont obscurcis par une explication erronée de l’histoire de notre espèce, dont l’ancêtre lointain, l’australopithèque, serait «un singe végétarien», avec une descendance homo habilis devenue «chasseur-cueilleur omnivore». Le chapitre «L’homme, un végétarien devenu un carnivore intelligent» fait ainsi l’impasse sur les connaissances pourtant largement partagées par la communauté scientifique. «Les australopithèques, comme Lucy, ont des mâchoires démentes, qui leur servent à broyer des aliments végétaux comme les noix, les tubercules, les racines. On a longtemps cru qu’ils étaient spécialisés, mais les études sur traces isotopiques révèlent qu’ils étaient omnivores», rappelle à ce propos le paléoanthropologue Pascal Picq. «Quand ils pouvaient bouffer des antilopes, ils ne se gênaient pas!», ajoute-t-il. Ces conclusions ont été récemment confirmées par une étude de l’équipe de Vincent Balter, du Laboratoire de géologie de Lyon (CNRS/ENS), publiée le 8 août dernier par la revue scientifique britannique Nature.
Des mangeurs « opportunistes »
Grâce à la mesure « d’éléments-traces», le chercheur a mis en évidence les différences de régimes alimentaires des australopithèques, les ancêtres communs des paranthropes et des Homo. Ainsi, l’équipe française s’est intéressée au strontium et au baryum contenus dans l’émail dentaire, deux marqueurs de la position des mammifères dans la chaîne alimentaire. «On a un schéma qui commence à devenir cohérent avec ce que les anatomistes et les archéologues attendaient», explique Vincent Balter, qui souligne le caractère « opportuniste » des australopithèques : ils se mettaient sous la dent « ce qu’ils trouvaient dans la nature», baies, fruits et éventuellement carcasses d’animaux morts. Seuls les paranthropes (qui vivaient il y a environ 2,5 à 1,2 millions d’années) consommaient exclusivement des végétaux. Ils ont d’ailleurs progressivement disparu, sans laisser de traces.