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ESB : le maintien du dépistage s’impose

Dans un avis publié le 30 avril 2013, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) se montre hésitante quant à l’exemption du dépistage de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) à l’abattoir.

Analyse du Dr Jean-Louis Thillier, spécialiste en sécurité alimentaire.

Le prion à l’origine de l’ESB étant éradiqué en France, la poursuite du dépistage est-elle encore nécessaire ?

Oui ! Il est impératif de continuer ces tests de dépistage. En effet, en avril 2007, l’Afssa (qui a précédé l’Anses) a bel et bien confirmé l’existence, non pas d’une seule souche, dite «anglaise» (la souche C), mais aussi celle d’autres souches, qui sont atypiques (les souches H et L). D’origine naturelle, ces dernières sont endémiques et ne seront jamais éradiquées !

Or, en 2004, l’équipe italienne dirigée par Cristina Casalone a apporté la preuve que la souche atypique L est potentiellement plus toxique pour l’homme que la souche anglaise C. En 2008, la transmission d’isolats bovins « atypiques » de type ESB-L, qui a été réalisée sur différents modèles de souris génétiquement «humanisées», indique en outre une plus grande transmissibilité de ce type d’agent à l’homme que dans l’ESB classique. Pire, la transmission d’isolats bovins « atypiques » de type ESB-L a été rapportée chez le primate (macaque), qui est génétiquement très proche de l’homme. C’est pour- quoi il existe un risque zoonotique pour cette nouvelle souche. En outre, un lien devient probable à un sous- ensemble de cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob sporadique ayant des phénotypes atypiques. Le dan- ger est d’autant plus important qu’à l’opposé de la souche C, qui ne contaminait que le liant des viandes hachées, la souche L diffuse aux muscles, donc au fameux beefsteak.

Les mesures de contrôle prises en France depuis l’apparition de l’épizootie d’ESB n’ont donc pas permis l’éradication de l’ESB ?

Si, mais uniquement en ce qui concerne la souche C. Et cela a pris beaucoup de temps.

La première source de contamination a été éradiquée seulement après qu’une série de mesures ont été prises au fil des années (lire le dossier Farines animales, le point en 2013, A&E avril 2013). D’abord, en 1990, on a interdit les protéines animales transformées dans l’alimentation des veaux, et les farines animales en complément alimentaire pour les bovins adultes (protéines issues de l’abattoir et de l’équarrissage).

Ensuite, ces mesures ont été étendues à l’ensemble des ruminants, puis renforcées en juin 1996 suite à la mise en évidence des pre- miers cas de variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob chez des adultes jeunes. On a alors procédé au retrait à l’abattoir des matériaux à risque spécifié (MRS), principaux tissus dans lesquels la protéine prion est capable de s’accumuler chez un animal contaminé. La répartition des MRS au sein d’un bovin ou d’un petit ruminant contaminé étant différente, deux listes distinctes ont été définies.

De plus, l’atteinte de certains organes étant plus ou moins tardive, ces derniers ne sont enlevés et incinérés que lorsque l’animal a atteint un certain âge(dès 12 mois pour l’encéphale de bovin ; quel que soit l’âge de l’animal pour le tube digestif). Bien entendu, les animaux morts de maladies ou accidentés sont exclus et incinérés.

Or, ces mesures n’ont pas fait disparaître l’épizootie d’ESB ! On a ainsi découvert que de nombreux bovins atteints d’ESB «classique» étaient nés après juin 1996. Ces cas ont été dénommés «super NAIF» (pour «né après l’interdiction des farines animales»). En effet, on avait négligé une propriété physico-chimique essentielle du prion, pourtant mise en évidence dès 1980 par l’Américain Prusiner, à savoir que l’agent de l’ESB se réfugie dans les corps gras.

Or, ces corps, issus de la cuisson des os du crâne et de la colonne vertébrale de ruminants susceptibles d’héberger l’agent pathogène, étaient encore utilisés comme liant dans les croquettes données pour sevrer les veaux, ou contenus dans les nouveaux laits maternisés (les lactoremplaceurs). Ils n’ont donc été éliminés qu’avec l’arrêté du 14 novembre 2000, qui a mis fin à l’utilisation de ces graisses animales pour l’alimentation des animaux.

Ce n’est qu’à partir de cette dernière mesure que l’éradication de l’ESB souche C dite «anglaise» a véritablement pu commencer.

Instaurée en abattoir à la fin de l’année 2000, l’utilisation de tests rapides a permis de suivre l’évolution de l’épizootie. Ce que la simple surveillance des vétérinaires ne permettait pas. Cependant, il a été un peu vite «claironné» que l’agent responsable de l’ESB chez les bovins était une souche uniforme (ESB classique). En réalité, ces tests de dépistage très sensibles ont détecté de façon inattendue des cas d’ESB «non classique», ayant différents phénotypes neuropathologiques et moléculaires de l’ESB. Ces cas atypiques, d’origine non alimentaire, sont génétiques ou sporadiques.

À l’état naturel, il existe donc dans le cheptel bovin mondial, sous forme endémique, une sournoise encéphalopathie spongiforme qui n’est pas d’origine industrielle. Ainsi, en 2010, 5 bovins ont été détectés positifs en France, parmi lesquels deux cas d’ESB «classique» chez des bovins âgés, contaminés par l’alimentation avant le fameux arrêté de novembre 2000, mais aussi trois autres cas, d’ESB atypique et endémique. L’opposition de la France et de l’Allemagne à l’arrêt des tests de dépistage de l’ESB est donc hautement justifiée.

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