« 2015, An 1 de l’agro-écologie » : c’est ce qu’a décrété le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll, au cours d’une cérémonie qui s’est déroulée le 30 janvier dernier dans la prestigieuse salle Gambetta de la rue de Varenne, en présence d’une centaine d’invités. Après avoir assuré que « tout le monde a été associé à la construction de cet An 1 de l’agro-écologie et du Plan Écophyto », le ministre a rappelé qu’il s’agissait avant tout de « combiner la performance environnementale de l’agriculture française tout en gardant bien à l’esprit sa performance économique et sociale ».
« Dialogue nouveau, dynamique nouvelle, nouveau paradigme, changement de logique », voilà en résumé les mots-clés du ministre, qui compte principalement s’appuyer sur la diffusion massive des « démarches pionnières » pour mettre en place sa révolution agricole. Il en a également fixé le cap : convertir une majorité des exploitations afin qu’elles « basculent » dans l’agro-écologie d’ici à 2025, c’est-à-dire dans dix ans. Pas moins de sept plans sont déjà sur les rails pour accompagner le mouvement : le Plan Écophyto, bien entendu, mais aussi le Plan Éco-antibio, le Plan Semence et agriculture durable, le Plan pour l’apiculture, le Plan pour la méthanisation, le Programme Ambition bio 2017 et enfin le Plan Protéines végétales. Y sont associés l’enseignement agricole, à travers lequel on devra « enseigner autrement », et la recherche, qui sera désormais « systémique [sic !] ». On l’aura compris, toutes les initiatives provenant de la rue de Varenne s’inscrivent dans la perspective de l’agro-écologie, dont le ministre assure même le service après-vente à l’international !
Le discours est bien rodé, la machine de propagande, impressionnante, et les soldats de l’An1 de l’agro-écologie, visiblement pleins de bonne volonté. D’ailleurs, aujourd’hui, il n’y a même plus de débat : le concept fourre-tout d’agro-écologie n’ayant jamais été clairement précisé, tout le monde peut en décliner sa version, différente de celle du voisin mais toujours compatible. Ainsi, chacun a fait, fait ou veut bien faire de l’agro-écologie. Si l’on en croit un sondage réalisé par BVA pour le ministère de l’Agriculture, 93% des agriculteurs interrogés répondent qu’ils sont déjà engagés dans au moins une démarche relevant de l’agro-écologie, 72 % dans au moins trois (limiter l’utilisation d’intrants, améliorer la qualité des sols, préserver les ressources en eau et favoriser le rôle de la faune auxiliaire). Toutefois, quoi que propose Stéphane Le Foll, 61% assurent ne pas vouloir aller au-delà de ce qu’ils font déjà. « En arboriculture, on peut estimer que 70% des surfaces répondent effectivement à certains critères de l’agro-écologie », confirme Pierre Varlet, responsable technique de l’Association nationale pommes-poires (ANPP). Plus de 55% des surfaces sont en effet déjà conduites en protection intégrée, une pratique considérée comme agro-écologique.
Bref, l’immense majorité des agriculteurs font de l’agro-écologie comme un certain monsieur Jourdain faisait jadis de la prose… Reste juste à en informer le ministre. Ainsi, tout le monde sera content !