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La course au greenwashing dans la grande distribution

Dans la grande distribution, la course au greenwashing bat son plein. Après les « fraises sans pesticide de synthèse de la oraison à l’assiette » de Carrefour, et la « guerre aux pesticides » déclarée fin décembre par le patron médiatique des Centres Leclerc, Système U entre dans la danse avec sa campagne décalée, constituée d’une animation bon enfant mettant en scène des personnages dignes de Montres et Cie. Les messages sont clairs : « Adieu les OGM », « Fini le glyphosate », « Tchao l’huile de palme »… L’engagement de l’enseigne ? Supprimer pas moins de 90 substances « controversées » dans 6 000 produits.

« Pour le consommateur, certaines substances présentes dans les produits de consommation courante suscitent des interrogations sur les potentiels risques pour la santé. Autour de tout produit chimique, existe une connotation péjorative », explique l’enseigne Les nouveaux commerçants, qui constate que « ces préoccupations sont amplifiées par la télévision, la presse écrite et certaines discussions scientifiques, mais également par manque d’information ». Elle prend acte que « les consommateurs, à tort ou non, ont conclu sur la toxicité de ces substances ». Qu’importe donc que ce soit à tort, « ces inquiétudes nous parviennent de manière directe par les remontées de nos clients au travers de nos magasins et les demandes d’information sur nos produits ». Or, face à une demande d’information, que fait SystèmeU ? L’enseigne jette de l’huile sur le feu des inquiétudes en communiquant sur de supposés retraits, reprenant à son compte l’essentiel des arguments d’associations comme Greenpeace ou Générations Futures. Ce petit coup de pub lui permet d’apparaître comme une entreprise socialement et écologiquement responsable, et surtout soucieuse de la santé du consommateur.

 

Dessin CRichard / Laver plus vert

 

Une opération de com’ trompeuse

Belle opération, car dans les faits, le décalage entre les promesses et la réalité est stupéfiant. Le comble du ridicule étant la volonté affichée de l’enseigne d’interdire des produits… déjà interdits ! C’est le cas du diméthoate, qui n’est plus autorisé en France depuis mars 2016, mais aussi du bisphénol A, interdit depuis 2015. Système U annonce également la suppression du tau- uvalinate, un acaricide préconisé en apiculture contre le varroa. Ses services de contrôle vont-ils envoyer des brigades chez les apiculteurs pour vérifier les désormais « bonnes pratiques apicoles » imposées par sa charte ? Risible…

 

 

Et quid de l’huile de palme ? En réalité, Système U n’a aucunement l’intention d’interdire ce produit, voire la plupart des 90 substances figurant dans sa liste de substances à proscrire. L’enseigne le sait parfaitement, et ajoute sur ses encarts publicitaires un petit astérisque aussi illisible que ceux qui figurent au bas des contrats d’assurance. Le cas de « Tchao l’huile de palme » est grotesque. En effet, Système U ne compte pas du tout supprimer de ses rayons les produits en contenant. Déjà, il ne s’agit que des Produits U, et non pas des produits de marques, et ensuite, l’enseigne précise que la suppression ne se fera pas pour les produits « qui ne peuvent pas se passer d’huile de palme pour des raisons techniques ou organoleptiques ». Même mascarade pour « Fini le glyphosate », puisqu’il s’agit uniquement d’arrêter la commercialisation des produits pour le jardin, dont l’interdiction est de toute manière déjà actée dans la loi. Que reste-t-il ? Pour faire simple, il n’y aura plus d’aspartame dans les quelques sodas et les produits allégés en calories, de matières grasses hydrogénées dans certaines huiles et certains paquets de beurre, de colorant caramel (E 150 D) dans quelques thés glacés, ou encore de benzophénone dans diverses crèmes solaires et crèmes anti-âge. Bref, le consommateur peut être rassuré : il trouvera encore son Coca-Cola et son pot de Nutella dans les rayons de ce « commerce qui profite à tous », ou plutôt « qui profite des peurs ». Suivant la « logique des marchés », certains de ses magasins vendaient même le glyphosate en promotion en novembre 2016 afin d’écouler les stocks avant l’arrêt de la commercialisation. Se débarrasser d’un produit supposé toxique grâce à une promotion, il fallait oser ! Système U l’a fait.

Un adieu sélectif

Enfin, concernant son « Adieu aux OGM », finalement absents que pour les produits « rentrant dans la démarche Nouvelle Agriculture », c’est surtout une belle occasion de promouvoir son partenariat avec l’association Bleu-Blanc-Cœur, qui préconise de nourrir les animaux avec du lin ou de la luzerne. « Depuis plus de dix ans, Système U s’est engagé aux côtés de Bleu-Blanc-Cœur, dont le cahier des charges exige l’introduction dans l’alimentation des animaux des sources naturelles en oméga 3 (graines de lin, luzerne, herbe, etc.). Ceci permettant entre autres de réduire la part de soja dans l’alimentation animale, limitant les risques de recours par les éleveurs au soja importé depuis l’extérieur de l’Union Européenne, potentiellement issu de plans génétiquement modi és et de méthodes de culture contribuant à la déforestation », explique Système U. Un vrai conte de fées ! Ou plutôt une belle histoire d’argent. Car le label Bleu-Blanc-Cœur a été fondé par un chef d’entreprise, Pierre Weill, qui surfe sur le créneau des aliments-santé. « Le postulat qui guide toute notre action est que les déséquilibres dans l’alimentation humaine sont liés à des déséquilibres au champ », explique Pierre Weill, qui est par ailleurs l’auteur du livre Mangez, on s’occupe du reste, paru en 2014. Pour échapper à la malbouffe, mieux vaut ainsi consommer ces fameux produits labellisés Bleu-Blanc-Cœur, enrichis en oméga 3. Ce qui tombe bien, puisque c’est précisément le fonds de commerce de Valorex, une entreprise d’alimentation animale dont le chiffre d’affaires s’élève à 100 millions d’euros, et qui est présidée par… Pierre Weill. Alors l’« Adieu aux OGM » de Système U, Pierre Weill aime beaucoup…

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