Le 28 mai dernier, a été rendu public un rapport d’information rédigé par le groupe d’études « Agriculture et alimentation » de la commission des Affaires économiques du Sénat, qui tire la sonnette d’alarme sur la direction prise par notre agriculture depuis une bonne quinzaine d’années. « La production française stagne en volume, alors que celle de nos partenaires européens augmente de façon importante », note le sénateur LR Laurent Duplomb, auteur du rapport. « L’excédent commercial, encore positif aujourd’hui, risque à terme de disparaître si nous n’y prenons pas garde », poursuit le rapporteur. En effet, entre 2011 et 2017, il a été divisé par deux en euros constants – un repli historique. « Alors que la France était le troisième principal exportateur mondial en 2005, elle occupe désormais le sixième rang, affichant le plus fort recul mondial », déplore le président du groupe d’études. À présent, la France se positionne derrière l’Allemagne et… les Pays-Bas ! « Selon la direction générale du Trésor, cette érosion s’explique pour 70% par un effet de compétitivité négatif », note encore le rapport.
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Et l’affaiblissement de l’outil de production n’affecte pas uniquement les exportations. Il entraîne mécaniquement une augmentation massive des importations de denrées agricoles et alimentaires, lesquelles pourraient fort bien être produites sur notre territoire. « La part des fruits et légumes française dans la consommation des ménages se réduit chaque année », constate le rapport. « Près d’un fruit et légume sur deux consommés en France est ainsi importé », regrette Laurent Duplomb, qui observe que, du côté des volailles, les importations représentent aujourd’hui 34% de la consommation intérieure, alors qu’elles ne comptaient que pour 13% en 2000. Dans le secteur des produits laitiers aussi, les chiffres sont affolants : la valeur des importations a en effet été multipliée par deux entre 2005 et 2017. Enfin, pour le porc, la production française stagne depuis 2006, tandis que les productions allemande et espagnole ont augmenté respectivement de 20 et 30% en volume sur la même période. Résultat : la France importe désormais 25% de sa consommation de porc, incluant des jambons bio venus d’Espagne et du Danemark.
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Les sénateurs membres du groupe d’études se sont fixé comme objectif d’alarmer le citoyen sur « cette face cachée » de l’agriculture française, explique Laurent Duplomb, qui refuse de baisser les bras. D’autant que les opportunités existent : « 30 pays concentrent 90% des exportations françaises. Il en reste donc plus de 150 à conquérir, notamment en Afrique ou en Asie ». Plutôt que de se focaliser sur la « montée en gamme » – « une illusion qui ne réglera en rien le problème des importations tout en menaçant certaines positions exportatrices » –, les sénateurs appellent le gouvernement à faire preuve de raison, en procédant à la reconquête des marchés internationaux comme nationaux, « notamment celui de la restauration hors domicile, où les importations de produits sont massives ».
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Il va sans dire que cela ne passera pas par un retour à l’agriculture de nos grands-parents, ni par le projet de décroissance cher à l’écologie politique, qui souhaite transformer nos champs en vastes prairies fourragères bio dans le but de préserver quelques races perdues d’ânes et de brebis…