Bénéficiant d’une réputation de fiabilité, certaines associations de consommateurs calquent leur discours sur celui d’ONG écologistes au risque de délivrer une information biaisée
Selon un sondage Ipsos réalisé en novembre 2013, 90 % des personnes interrogées feraient confiance aux associations consuméristes, comme UFC-Que Choisir ou 60 Millions de consommateurs. Un taux bien supérieur à celui dont bénéficient les ONG (61 %), et bien évidemment sans commune mesure avec celui des industriels (24%).
Ce pourcentage élevé de confiance s’explique notamment par le fait que ces associations sont perçues comme étant neutres, indépendantes et libres de tout conflit d’intérêts, comme elles le revendiquent d’ailleurs. Ainsi, l’UFC-Que Choisir affiche être « complètement indépendante des fabricants, des commerçants, des syndicats, des groupes de presse ou financiers, des partis politiques et, plus généralement, de tout intérêt ou groupement autre que celui des consommateurs ».
Une information biaisée
Une analyse méticuleuse de certaines prises de position de ces associations invite toutefois à s’interroger sur cet état de fait. En effet, on observe régulièrement un curieux alignement de certaines d’entre elles sur des campagnes militantes d’ONG écologistes, qui agissent en fonction de leur idéologie décroissante et radicale, quand elles ne prennent pas purement et simplement la défense des intérêts économiques de leurs sponsors.
Ainsi, le 24 mars, l’UFC-Que Choisir a publié une grande enquête anxiogène sur la présence des pesticides dans les aliments. À l’image parfaite de ce que Générations Futures – dont la forte proximité avec les entreprises du secteur bio n’est plus à démontrer – fait depuis de nombreuses années. Or, ladite enquête de l’UFC-Que Choisir reprend exactement les éléments de langage des études de Générations Futures, notamment celles qui ont été réalisées en 2018 et en 2019, sous le titre État des lieux des résidus de pesticides dans les fruits et les légumes en France. L’association de consommateurs explique qu’elle a effectué « une analyse critique des 14 000 contrôles sanitaires officiels sur les aliments vendus en France qui révèle que plus de la moitié des fruits et légumes de l’agriculture intensive testés sont contaminés par des pesticides suspectés d’être cancérogènes, toxiques pour la reproduction ou l’ADN ou perturbateurs endocriniens », et que les LMR (limites maximales de résidus) seraient « une notion obsolète qui n’offre pas de protection suffisante pour ces substances dont aucune trace ne devrait être tolérée ». À quelques mots près, tout cela figurait déjà les rapports de l’association antipesticides. De même, l’association de consommateurs fustige les procédures d’autorisation des pesticides, qu’elle estime « également particulièrement biaisées ». Une critique excessive, qui est largement partagée par les ONG.
En outre, à l’instar des ONG écologistes, l’enquête présente les faits de façon trompeuse. Ainsi, alors que le sujet du dossier concerne l’impact possible des résidus de pesticides présents dans les aliments sur la santé humaine, l’association insiste sur le fait que, pour ce qui est du glyphosate, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) le juge « probablement cancérogène », en omettant de préciser qu’il n’a jamais été affirmé ni même suggéré que, ingurgité au travers de la consommation d’aliments, cet herbicide pourrait provoquer un quelconque cancer ! Lors de la Réunion conjointe FAO/OMS sur les résidus de pesticides (JMPR) qui s’est tenue à Genève en mai 2016, les experts scientifiques ont d’ailleurs clairement indiqué qu’ils estimaient que « le glyphosate, un herbicide systémique à large spectre, est peu susceptible de présenter un risque cancérogène pour les personnes exposées à cette substance dans l’alimentation ». Tout comme l’Étude de l’alimentation totale française 2, réalisée en 2011 par l’Anses pour évaluer les expositions par voie alimentaire aux agents microbiologiques, chimiques et physiques de la population française, a écarté tout risque pour le glyphosate ainsi que pour 243 autres substances chimiques. L’alerte n’a été donnée que pour un seul pesticide – le diméthoate – déjà interdit depuis plusieurs années en France.
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Or, ces éléments plutôt rassurants sont omis dans l’article du magazine Que Choisir, qui a choisi la voie royale de la fabrique de la peur, afin d’affoler inutilement ses lecteurs. Le cas du pyriproxyfène est à cet égard exemplaire : « Cet insecticide, détecté dans plus d’un quart des pomelos non bio analysés en France en 2019, est suspecté d’avoir favorisé des microcéphalies (malformation de la tête) chez des bébés nés au Brésil lors de la dernière épidémie de Zika », peut-on lire dans le mensuel. Sauf que l’hypothèse des chercheurs, dont ne fait pas mention l’UFC-Que Choisir, évoque une possible interaction entre le pyriproxyfène et le virus Zika, en particulier dans les zones où cet insecticide a été utilisé intensivement pour lutter contre le moustique Aedes aegypti responsable de la propagation des virus de la dengue et du Zika. Autrement dit, aucun risque n’est encouru en mangeant des pomelos !
Le lobbying de l’UFC-Que Choisir
Dès lors, il n’est guère étonnant qu’on retrouve l’UFC-Que Choisir à l’œuvre aux côtés de différentes ONG dans le travail de lobbying écologiste antipesticides.
Ce fut ainsi le cas en 2018, dans le cadre des États généraux de l’alimentation, où l’UFC-Que Choisir a mené des campagnes de lobbying via la Plateforme citoyenne pour une transition agricole et alimentaire, en partenariat avec une cinquantaine d’associations de la mouvance écologiste et altermondialiste.
Ou encore en février 2020, où l’association de consommateurs, au sein d’un collectif regroupant neuf ONG (dont France Nature Environnement, Générations Futures et Eau et Rivières de Bretagne), a déposé des recours devant le Conseil d’État « contre l’arrêté définissant des distances de protection pour l’épandage ridiculement faibles au regard des dangers des pesticides ».
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Enfin, en avril 2021, l’UFC-Que Choisir a publié en collaboration avec Générations Futures un dossier sur la présence des pesticides dans l’eau. L’occasion de dénoncer « une eau polluée » en réclamant, « au nom du principe de précaution », l’interdiction de certains produits « soupçonnés d’être des perturbateurs endocriniens », mais aussi de lancer une pétition conjointe « pour une eau du robinet garantie sans pesticides ».
Six mois plus tard, l’UFC-Que Choisir lançait, avec le soutien de multiples associations écologistes (dont Générations Futures), une nouvelle pétition, intitulée « En finir avec le glyphosate en Europe… enfin ! », dans le même temps qu’elle organisait une conférence de presse conjointe avec le WWF et Greenpeace pour attaquer les appellations d’origine protégées ainsi que les labels rouges, jugés « trop permissifs ». Enfin, en 2021 encore, l’UFC-Que Choisir a fait partie d’un collectif d’organisations (dont Générations Futures, Agir pour l’environnement, Greenpeace, Confédération paysanne, etc.) faisant la promotion du Planet-score, cet affichage environnemental conçu par le lobby du bio qui comporte notamment un critère « pesticides », lequel permet commodément de stigmatiser des concurrents émanant de l’agriculture conventionnelle.
On comprend dès lors les positions engagées et militantes d’Alain Bazot, le président de l’UFC-Que Choisir, qui, par exemple, dénonçait en 2017 « les dégâts provoqués par l’agriculture intensive », et en 2020, dans un billet, voyait « l’actuelle PAC (…) comme une prime au productivisme nuisible à l’environnement ». Parmi ses propos, on retrouve régulièrement le terme d’« agriculture productiviste », ou encore des attaques en règle contre la FNSEA, comme en 2021, où il affirmait que « le problème, récurrent depuis 20 ans, tient bien à un conservatisme malsain de la part de la FNSEA, autour d’une agriculture intensive, productiviste, incapable de se renouveler fondamentalement, cherchant en toute occasion à gagner du temps ». Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon n’auraient pas mieux dit…
Une mise en garde ignorée
Or, ces partenariats et collaborations paraissent d’autant plus étranges que l’on a pu lire dans les colonnes du mensuel en date du 21 juin 2020, sous la plume de la journaliste Élisabeth Chesnais, une sérieuse mise en garde contre les « fausses alertes » lancées par… Générations Futures ! « C’est devenu une habitude. Régulièrement, l’association Générations Futures sort un dossier sur la pollution par les pesticides (…) À chaque fois, le propos est très alarmiste, mais c’est logique puisqu’elle milite pour une agriculture 100 % bio », notait ainsi la journaliste, qui s’étonnait « de voir la plupart des médias reprendre quasiment mot pour mot les propos du communiqué de presse de Générations Futures, sans aucun recul et sans trop de vérification ». Et elle poursuit sa charge : « en titrant “Des pesticides et des perturbateurs endocriniens dans l’eau du robinet”, deux mots qui font peur et à juste titre, la presse gagne à tous les coups. »
De même, lorsque certains journalistes de la rédaction du mensuel ont osé mettre en cause la pensée unique sur le bio, ils se sont immédiatement retrouvés sur le banc des accusés. Telle fut la douloureuse expérience qu’a vécue le journaliste Erwan Seznec, lorsqu’en 2016 il a publié dans Que Choisir un article intitulé « Toxiques naturellement », où il ne faisait que rappeler que des pesticides sont également utilisés en bio et que, sur les centaines de spécialités homologuées, certaines présentent un profil écotoxicologique qui n’est pas particulièrement rassurant.
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À l’époque, Serge Rivet, référent régional (Vienne) de l’UFC-Que Choisir, est intervenu personnellement pour qu’Erwan Seznec ne soit plus autorisé à publier d’articles dans le magazine. En tant que responsable régional au sein d’Europe Écologie Les Verts, Rivet a œuvré afin que le parti écologiste fasse pression auprès de la commission agricole de Que Choisir, pour « ne plus laisser paraître quoi que ce soit de ce niveau sur ces sujets dans la revue ».
François Veillerette a alors indiqué avoir déjà fait « passer un dossier montrant son parti pris à son rédacchef » après la publication dans le numéro de Que Choisir de septembre 2015 d’un article intitulé « Les salades de Générations Futures », dans lequel Seznec révélait les liens de l’association antipesticides avec le lobby du bio : « Générations Futures assume le rôle d’organisme de promotion d’une filière. Si c’est tout à fait respectable, l’enquête sur les pesticides et les perturbateurs endocriniens dans les salades laisse néanmoins songeur, dans la mesure où elle ne dit strictement rien du bio. Son seul but, clairement affiché, est de dissuader les consommateurs de manger des salades conventionnelles. »
Le cas de Marie-Jeanne Husset
Malheureusement, l’UFC-Que Choisir n’a pas le monopole de ce genre de dérives. Le cas de Marie-Jeanne Husset, ancienne journaliste de 60 Millions de consommateurs, est lui aussi très parlant. Directrice de la rédaction du magazine pendant dix- huit ans, elle s’est ensuite engagée au sein de la mouvance écologiste.
Mais dès 2009, c’est-à-dire trois ans avant de quitter l’association de consommateurs, elle apparaissait déjà dans le comité d’experts de WECF France, la branche française de Women Engage for a Common Future, un réseau international d’organisations écoféministes.
Or, WECF France entretient des partenariats avec de multiples ONG écologistes comme Générations Futures, Agir pour l’environnement, Réseau Environnement Santé ou encore Réseau Action Climat. En outre, l’association est présidée par Véronique Moreira, vice-présidente EELV de la métropole de Lyon, tandis qu’à l’échelon international la structure est présidée par la responsable anti-OGM et antipesticides Corinne Lepage.
En 2016, Marie-Jeanne Husset est devenue vice-présidente de WECF France deux ans après s’être présentée aux élections européennes sur une liste menée par Corinne Lepage. Depuis 2019, Madame Husset préside également l’association écolo Agir pour l’environnement, connue pour ses cybercampagnes agressives, notamment contre les pesticides…