En marge des journées organisées par l’AGPM, Éric Frétillère, président d’Irrigants de France a accordé un entretien exclusif à A&E. L’occasion de faire le bilan d’une année riche en actions et de rappeler les priorités des irrigants
Les événements climatiques de cette année ont mis en évidence l’utilité de l’eau, avec le constat que les productions agricoles n’ayant pas eu accès à l’eau ont été très pénalisées. Où en est-on dans le dossier
En effet, s’agissant du maïs, le différentiel des rendements entre un maïs irrigué et un maïs non irrigué a été de l’ordre de 30% en moyenne pour la France. Un pourcentage qui n’avait jamais été observé auparavant, même si, on le sait depuis toujours, l’agriculture a besoin d’eau.
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C’est pourquoi je me félicite que l’ancien ministre de l’Agriculture Julien Denormandie ait convaincu le président Macron d’organiser cette année le Varenne de l’eau et de l’adaptation au changement climatique, dont l’objectif était de mener la réflexion sur l’anticipation des leviers d’action pour la production agricole face au changement climatique plus loin que ne l’ont fait les Assises de l’eau. Trois thématiques y ont été abordées, dont celle de l’accès à la ressource sur le long terme. Or, il faut savoir que c’est le ministère de la Transition écologique qui a autorité sur le dossier de l’eau. Cela signifie que, dans l’écriture des textes relatifs à la gestion quantitative de l’eau, la ressource n’est considérée en fin de compte que par le prisme de la protection des milieux, et non du point de vue des besoins et des réalités économiques. Aussi nous semble-t-il essentiel que le ministère de l’Agriculture puisse rééquilibrer cette question en y introduisant également la nécessité de l’usage économique de l’eau. En fait, tout comme celle de l’environnement, la protection de l’agriculture devrait être reconnue comme étant d’intérêt général majeur. Parmi les avancées des travaux du Va- renne, la profession s’est réjouie que le Premier ministre de l’époque ait arbitré en nommant un délégué interministériel pour le suivi des conclusions du Varenne agricole de l’eau.
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Tout va donc pour le mieux ?
Aujourd’hui, le président Macron a désigné une Première ministre tout particulièrement chargée de la planification écologique.
Or, le projet de planification écologique fait avant tout référence aux Assises de l’eau et aux économies d’eau en déployant le thème de la sobriété. Le message que nous délivrons, pour notre part, est qu’il faut d’ores et déjà que soient mises en œuvre les conclusions du Varenne de l’eau. Il ne faut pas recommencer les débats qui ont déjà eu lieu. En tant que président d’Irrigants de France, je suis déterminé à ce que nous appliquions les décisions portées par l’ancien gouvernement.
La guerre en Ukraine a mis en lumière notre fragilité sur le plan énergétique, avec une hausse considérable du prix de l’électricité. Les perspectives actuelles de l’augmentation du coût de l’énergie vont provoquer une catastrophe chez de nombreux irrigants et, par ricochet, sur des filières entières de productions spécialisées. Je pense en particulier aux productions légumières, à la filière des semences, à l’arboriculture et à d’autres encore. Il y a urgence à trouver des solutions.
Lors de l’AG de l’AGPM, vous avez pu exposer vos préoccupations au ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau. Avez-vous l’impression d’avoir été entendus ?
L’assemblée générale d’Irrigants de France l’a fermement affirmé : l’accès à l’eau est prioritaire pour assurer la sécurité alimentaire de notre pays.
J’y ai rappelé notre détermination pour que les travaux entrepris aboutissent, et fait part de notre préoccupation quant à la flambée du coût de l’énergie. Ces sujets majeurs ont ainsi motivé le vote d’une motion, dans laquelle Irrigants de France réclame la garantie de l’accès à l’eau au travers de l’aboutissement et la sécurisation de tous les projets de stockage, et des mesures de soutien pour que les agriculteurs puissent faire face à l’augmentation du coût de l’énergie et maintenir l’irrigation, ainsi que la reconnaissance de l’intérêt général majeur de l’agriculture et de sa protection, y compris lorsqu’elle est irriguée.
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Daniel Peyraube, le président de l’AGPM, a présenté la motion à Marc Fesneau. Celui-ci nous a rassurés sur sa volonté et a reconnu la nécessité d’avoir une agriculture forte pour préserver notre souveraineté alimentaire, et le rôle crucial de l’eau dans ce contexte. Aujourd’hui, nous attendons des mesures concrètes.