Alors que l’Europe s’abîme dans d’interminables discussions sur le futur des nouvelles techniques génomiques (NGT en anglais), l’Angleterre vient de voter une loi permettant d’assouplir les règles applicables aux biotechnologies
Votée le 23 mars, la nouvelle loi britannique favorable à l’édition du génome n’autorise que les modifications qui auraient pu être produites naturellement ou par le biais de programmes de croisement traditionnels déjà utilisés. Autrement dit, les OGM qui impliquent l’introduction de gènes d’autres espèces resteront réglementés. Mais cela représente un assouplissement essentiel de la législation, permettant ainsi à l’Angleterre de rejoindre des pays comme l’Argentine, les États-Unis, l’Australie ou le Japon, qui ont déjà adopté une législation similaire.
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Une bonne nouvelle pour les agriculteurs britanniques
Dans un communiqué de presse, Mark Spencer, ministre de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche, se félicite de ce pas franchi : « La loi sur les technologies génétiques est une excellente nouvelle pour les consommateurs et les agriculteurs britanniques. Les technologies de sélection de précision sont l’avenir de la production alimentaire, non seulement chez nous, mais dans le monde entier, et cette loi placera notre pays à l’avant-garde de cette révolution. » Et d’ajouter : « Cette nouvelle loi débloquera notre industrie agrobiotechnologique pour soutenir une production alimentaire résiliente pour les décen- nies à venir. »
Le principal conseiller scientifique du ministère de l’Environnement, de l’Alimentation et des Affaires rurales (Defra), le professeur Gideon Henderson, a déclaré à l’unisson : « C’est un moment important pour la science agricole. La capacité d’utiliser l’édition de gènes pour apporter des changements précis et ciblés au code génétique des organismes, d’une manière qui peut imiter la sélection traditionnelle, permet de développer de nouvelles variétés de cultures qui sont plus résistantes aux parasites, plus saines à manger et plus résistantes à la sécheresse et à la chaleur dans le cadre des changements climatiques. » Un enthousiasme partagé par le professeur Mario Caccamo, directeur du National Institute of Agricultural Botany, qui a confié à la BBC qu’il souhaitait utiliser cette technologie pour développer de nouvelles variétés capables de pousser dans les conditions fréquemment plus chaudes et plus sèches que connaît le Royaume-Uni en raison du changement climatique. « Si l’on considère la croissance de la population et l’augmentation des rendements par les méthodes traditionnelles, nous sommes à la traîne », a-t-il souligné. « Les projections montrent devons accélérer la recherche de moyens d’améliorer les cultures, faute de quoi nous aurons du mal à nourrir le monde », estime le professeur.
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L’Écosse, le pays de Galles et l’Irlande s’alignent sur l’UE
À ce stade, cette loi ne concerne que l’Angleterre, les gouvernements écossais, gallois et nord-irlandais n’ayant quant à eux pas autorisé l’utilisation commerciale de l’édition du génome.
Le gouvernement écossais, en particulier, qui s’oppose depuis longtemps aux OGM, souhaite conserver la ligne de l’Union européenne. Une position contestée par la National Farmers Union Scotland (NFU) regroupant 10 000 agriculteurs et fermiers, qui estime que cela place les agriculteurs écossais dans une situation désavantageuse du point de vue de la concurrence. En janvier 2023, Martin Kennedy, président de la NFU Scotland, exprimait ses regrets en ces termes : « Nous sommes déçus que le gouvernement écossais ait choisi de ne pas participer au projet de loi sur les technologies génétiques (sélection de précision), préférant une décision européenne sur l’édition de gènes. »
Selon certains observateurs, le secteur écossais des semences de pommes de terre pourrait avoir du mal à survivre. C’est en tout cas l’opinion de Lesley Torrance, spécialiste de la pomme de terre à l’Institut James Hutton, qui travaille déjà sur de nombreux projets : « L’édition de gènes permettra d’accélérer la production de meilleures plantes à l’avenir, qui seront probablement demandées sur bon nombre de nos marchés d’exportation. Par exemple, à JHI, nous développons une pomme de terre qui cuit plus rapidement grâce à la technologie PBO [precision-bred organisms, ou organismes obtenus par sélection de précision]. L’utilisation de cette technologie permet de réduire de plusieurs années le temps nécessaire pour que les plantes soient prêtes à être commercialisées. Si nous produisions ces plantes par sélection conventionnelle, il faudrait beaucoup plus d’années et, par conséquent, beaucoup plus de temps pour que les agriculteurs puissent accéder à la pomme de terre et la cultiver. »