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NGT : la Commission européenne réfléchit à une nouvelle réglementation

Afin d’encourager l’usage des NGT grâce à une réglementation allégée, la Commission européenne introduit des critères arbitraires pour différencier certaines techniques

Le 5 juillet, soit trois semaines après avoir fuité, a enfin été présenté le projet de la Commission européenne concernant les nouvelles techniques de sélection génomiques (en anglais, NGT, New genomic techniques). Celui-ci trace un cadre réglementaire qui, s’appuyant sur une philosophie finalement assez simple, pourrait bien se traduire par une réglementation des plus complexes et, surtout, unique au monde.

La Commission a commencé à travailler sur cette proposition à la suite de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de juillet 2018, qui statuait que les variétés issues des nouvelles techniques d’édition du génome étaient des OGM soumis aux contraintes de la fameuse directive 2001/18. Concrètement, ce que propose aujourd’hui la Commission, c’est d’exclure de cette directive toutes les nouvelles techniques, en leur conférant un cadre spécifique. Un moyen pour sortir de l’impasse dans laquelle la CJUE a plongé le monde de la semence.

Dans ce dessein, la Commission aurait pu agir très simplement. Puisqu’à l’époque de sa rédaction, il y a plus de vingt ans, cette directive avait été conçue uniquement pour réglementer les plantes issues de la transgénèse (insertion d’un gène d’une autre espèce), les autres techniques connues à cette date étant exclues de la directive, il aurait suffi de préciser que la directive ne concernait que les plantes issues de la transgénèse et non les plantes génétiquement modifiées, et le tour était joué.

La Commission a opté pour une autre voie, qui pourrait rapidement se transformer en une véritable usine à gaz administrative 

Estimant sans doute que cette solution, bien qu’elle ait le mérite de clarifier la question, n’était pas politiquement recevable, la Commission a opté pour une autre voie, qui pourrait rapidement se transformer en une véritable usine à gaz administrative.

Tout d’abord, la Commission maintient la directive 2001/18 pour les variétés issues de la transgénèse. De toute évidence, elle n’a pas eu le courage de prendre acte du fait que, après plus de trente ans d’utilisation, la transgénèse n’a jamais causé le moindre souci et, de ce fait, garder une réglementation aussi contraignante pour cette technique n’a plus aucun sens. Pire, en agissant ainsi, elle écarte de facto une technique qui pourrait se révéler particulièrement utile dans le futur.

Ensuite, concernant les autres formes de modification du génome, la Commission propose deux cadres différents.

La catégorie 1 concerne les NGT produisant des variétés dont les modifications ont pu apparaître naturellement ou être produites par sélection conventionnelle. Pour ces variétés, une simple procédure de notification de la part des sélectionneurs suffirait. Ce qui est plutôt raisonnable.

La deuxième catégorie serait, quant à elle, soumise à une évaluation des risques adaptée au profil de la plante. Autrement dit, une procédure qui reste hautement simplifiée par rapport aux obligations de la directive 2001/18. Elle laisserait ensuite aux États le soin de définir des mesures de coexistence avec les autres cultures. Néanmoins, un étiquetage serait obligatoire « pour accroître la transparence », afin que les consommateurs comme les producteurs soient informés des techniques utilisées. Sachant qu’il n’y a aucun risque sanitaire ni environnemental induit par ces techniques, la pertinence d’un tel étiquetage interpelle. Aucun consommateur de denrées alimentaires issues de l’agriculture biologique n’est, par exemple, informé des techniques de mutagénèse utilisées pour les variétés cultivées en bio. Si jusque-là les choses semblent claires, il n’en va pas de même des critères que la Commission souhaite introduire pour qu’une variété puisse être mise dans la catégorie 1. Des critères totalement arbitraires, sous forme de seuils concernant à la fois la taille et le nombre de modifications.

Ainsi, seraient autorisées toutes les variétés ayant subi jusqu’à 20 modifications génétiques différentes et comprenant des petites insertions d’une longueur maximum de 20 nucléotides, des suppressions ou des inversions de séquence d’ADN ou encore l’introduction de séquences d’ADN provenant du pool génétique des obtenteurs. Or, ce seuil ne dit rien sur la nature du bouleversement qu’induit une telle modification. « Ce seuil n’a aucune base scientifique car on peut parfaitement obtenir un caractère très particulier avec une seule mutation, comme hématochromatose ou la drépanocytose, et rien avec 1 000 ! » note Philippe Joudrier, auteur du livre OGM : pas de quoi avoir peur !

Des critères arbitraires

Premier paradoxe : si l’on s’en tient aux critères de la Commission, certaines variétés issues de la transgénèse rentreraient parfaitement dans la catégorie 1, puisque d’une part, l’on sait aujourd’hui que le transfert de gènes se produit dans la nature, notamment avec les virus, et d’autre part qu’elle peut comporter moins de 20 modifications génétiques ! C’est le cas des plantes transgéniques rendues tolérantes à un herbicide (comme le glyphosate) qui n’ont reçu qu’un gène codant une enzyme légèrement différente de celle naturellement présente dans la plante, afin de la rendre insensible à l’herbicide. « Au niveau de la séquence du gène, elle ne diffère donc que par quelques mutations ponctuelles qui conduisent au remplacement de quelques acides aminés par d’autres », insiste Philippe Joudrier.

Deuxième paradoxe : le projet prévoit d’interdire l’utilisation de toutes les NGT dans l’agriculture biologique, ce qui a été salué par l’Ifoam (Fédération internationale des mouvements d’agriculture biologique), alors que la Commission met par ailleurs en avant que ces techniques permettront d’obtenir des variétés « plus résilientes face au dérèglement climatique ».

De même, les futures pommes de terre résistantes au mildiou ou encore les betteraves tolérantes à la jaunisse obtenues par ces techniques ne seront pas disponibles aux producteurs de bio. Un comble !

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