Le rejet qu’a fait le Parlement européen de la proposition controversée de la Commission au sujet du règlement sur l’utilisation durable des produits phytopharmaceutiques (SUR) remet les cartes sur la table. Le message est clair : imposer des objectifs fixés arbitrairement tout en refusant d’évaluer leurs impacts n’est pas la bonne méthode pour faire progresser un dossier aussi sensible que celui notre capacité à produire notre alimentation.
On pourrait espérer que cet échec politique fasse réfléchir le gouvernement français, qui, de son côté, cherche lui aussi à imposer sa feuille de route sur l’évolution de l’usage des pesticides. Car, derrière la rhétorique bienveillante de la Première ministre, on perçoit plutôt une forme d’entêtement, comme en témoigne le fait que, le 30 octobre dernier, lors de la présentation de sa stratégie Écophyto 2030, son gouvernement a réaffirmé qu’il comptait réduire de 50 % l’usage des produits phytos à l’horizon 2030, par rapport à la période 2015-2017. Or, en gardant le Nodu comme seul indicateur, Écophyto 2030 reste dans l’esprit de la stratégie proposée par le Grenelle de l’environnement, et va, inévitablement, mener le monde agricole droit dans le mur.
Les raisons en sont multiples et bien connues. Ainsi, comme le rappelle Alessandra Kirsch, directrice des études d’Agriculture Stratégies : « Avec l’évolution de la législation, le Nodu a tendance à baisser pour une pratique équivalente ayant comme conséquence qu’une même utilisation se traduit par une hausse de cet indicateur. » Exemple : un agriculteur soucieux de minimiser son usage d’un produit et qui va l’utiliser à 1 L pour une dose maximale à 4 L aura un Nodu de 0,25. Mais si la réglementation évolue, fixant la dose maximale de ce produit à 2 L, la même utilisation de 1 L entraînera un Nodu de 0,5, soit une augmentation théorique de 100 %, alors que l’usage n’a pas changé !
Même François Veillerette, le très antipesticide patron de Générations Futures, admet qu’« une simple réduction du volume de pesticides utilisés n’est pas un bon indicateur, car il ne correspond pas forcément à une diminution du risque ». Des propos confirmés par Mireille Gravier-Bardet, Louis Hubert, Anne Dufour, Claude Ronceray et Pierre Deprost, auteurs d’un rapport du ministère de l’Agriculture qui observe que, en mettant en relation des quantités avec des surfaces agricoles, le Nodu indique « la pression d’usage des produits phytosanitaires, et non pas les risques associés à leurs usages ». Autrement dit, cet indicateur ne sert pas à grand-chose. D’où le fait sans doute que certains pays, dont le Danemark, l’ont tout simplement abandonné pour le remplacer par un autre, bien plus pertinent. Insister sur son usage en France, comme le fait le gouvernement français, est vraiment une très mauvaise idée.