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Léger virage à droite au Parlement européen

Bien que la répartition des euro-députés français fraîchement élus diffère radicalement des élections de 2017, celle-ci n’aura qu’une incidence minime sur le Parlement européen, mais marquera une perte incontestable d’influence de la France

S’il est indéniable que le vote des Français aux élections européennes a provoqué dans le pays un tremblement de terre politique, les résultats du scrutin sont-ils de nature à changer radicalement la politique agricole du Parlement européen ?

Le premier perdant de ces élections est assurément le groupe des Verts/ALE, relégué à la sixième place avec une perte de 19 sièges

Le premier perdant de ces élections est assurément le groupe des Verts/ALE, relégué à la sixième place avec une perte de 19 sièges

De fait, on constate une évolution de l’équilibre des forces au sein de cette institution, confirmant un infléchissement à droite. Avec 190 sièges sur 720 (contre 176 auparavant), le Parti populaire européen (PPE), auquel François-Xavier Bellamy est rattaché, a ainsi conservé sa position de leader face aux socialistes (136 sièges), aux libéraux (79 sièges), aux écologistes (52 sièges), et aux 39 élus d’extrême gauche, toutes ces formations politiques ayant, dans l’ensemble, perdu du terrain. À la droite du PPE, le groupe Conservateurs et réformistes européens (CRE) a, en revanche, obtenu 7 sièges supplémentaires (76 eurodéputés), tandis que le groupe Identité et Démocratie (ID) en a conquis 9 de plus (58 eurodéputés), auxquels s’ajoute une petite centaine de députés relevant des catégories « autres » et « non-inscrits », susceptibles de rejoindre plutôt les CRE et ID.

Le premier grand perdant de ces élections est assurément le groupe des Verts/ALE. Celui-ci est en effet relégué à la sixième place avec une perte de 19 sièges, un recul dû principalement aux mauvais résultats obtenus en Allemagne et en Autriche, deux de ses bastions traditionnels, mais aussi à son score médiocre en France. L’autre groupe qui a subi un cuisant revers est Renew Europe, en raison de la disparition du parti libéral espagnol Ciudadanos et de la chute spectaculaire de la liste soutenue par le président Emmanuel Macron. L’influence de ce dernier va sans aucun doute être diminuée au Parlement européen, même si Valérie Hayer a été reconduite de justesse à la présidence du groupe.

Il en va de même pour la liste de François-Xavier Bellamy, qui, n’ayant récolté que 6 sièges sur le total des 190 que compte le groupe, ne pourra certainement pas peser de façon significative sur les choix du PPE, bien que l’eurodéputé français ait obtenu le poste de vice-président du groupe PPE. Idem pour les écologistes français, réduits à 5 députés sur les 52 que compte leur groupe. C’est donc, de façon plus générale, l’influence française sur les dossiers européens qui sera affaiblie, et en particulier sur celui de l’agriculture, puisque plusieurs eurodéputés français ne pourront plus siéger au sein de la commission de l’agriculture du Parlement européen. C’est le cas de Jérémy Decerle, qui a perdu son siège, ou encore d’Irène Tolleret, qui ne s’est pas représentée. De fait, le groupe Renew Europe ne comprendra plus de spécialistes français des questions agricoles. Ni non plus du côté des écologistes français, puisque Claude Gruffat et Benoît Biteau (pourtant sixième sur la liste) ont perdu leur mandat, ni au Rassemblement national, Gilles Lebreton ayant passé son tour. Pour leur part, Les Républicains (LR) perdent Anne Sander (reléguée à une place clairement non éligible au profit des deux eurodéputés proches de Nicolas Sarkozy, Nadine Morano et Brice Hortefeux). Néanmoins, LR pourra compter sur Céline Imart, tandis que le socialiste Éric Sargiacomo va prendre le relais de Christophe Clergeau, qui a émis le souhait de se concentrer davantage sur la commission de l’environnement.

La question du Green Deal

Reste à savoir ce qu’il adviendra du fameux Green Deal, qui a été mis en place par Ursula von der Leyen lors de la précédente législature.

L’affaiblissement des écologistes ne signe certainement pas la fin de ce projet, car, contrairement à ce qu’on a pu entendre çà et là, il n’est pas le produit d’une prétendue vague verte lors des élections de 2019. Le Green Deal est bel et bien un projet initié par la coalition PPE, S&E et Renew, certes avec le soutien des écologistes qui avaient alors récolté moins de 10% des votes (contre 5% aujourd’hui), et dont la mise en œuvre avait été confiée au socialiste Frans Timmermans, à l’époque premier vice-président de la Commission.

Or, bien qu’en comptabilisant tous les eurodéputés de droite (PPE, CRE, ID, et les non-inscrits relevant des droites et des droites populistes), on obtienne désormais un ensemble qui représente 51 % des députés au Parlement (contre 45,8 % en 2019), il semble que l’ancienne coalition PPE, S&E et Renew reste bien déterminée à reconduire l’actuelle présidente Ursula von der Leyen à la tête de la future Commission. Si tel est le cas, les Verts, qui n’ont jamais incarné rien d’autre qu’une force d’appoint, pourraient parfaitement continuer à exercer leur influence en exigeant, en retour de leur soutien à von der Leyen, la poursuite du Green Deal. D’autant plus que celui-ci constitue justement son héritage politique. « Elle a tout intérêt à chercher encore le soutien des écologistes, à faire en sorte de garder le Pacte vert européen vivant, et à continuer à le déployer sur le plan industriel », analyse ainsi Phuc-Vinh Nguyen, spécialiste énergie et climat à l’Institut Jacques Delors, en rappelant que « là où il reste des règlements à faire passer, c’est sur la partie agricole, sur les baisses d’utilisation des pesticides, par exemple ».

Les Français ayant préféré accorder leurs voix à des formations politiques au pouvoir parlementaire plus modeste, voire inexistant, on assiste à l’effondrement effectif de l’influence française

Certes, avec une majorité de droite au Parlement, la Commission se verra dans l’obligation de mettre de l’eau dans son vin, si elle ne veut pas voir ses propositions être tout simplement rejetées par le Parlement. Comme ce fut déjà le cas avec la directive sur l’usage durable des pesticides (Sud), qui devait être transformée en un règlement (Sur), la proposition de loi-cadre pour les systèmes alimentaires durables (FSFS), ou encore la révision de la législation concernant les additifs destinés à l’alimentation animale.

Le sort d’autres directives – celle sur la protection des sols, adoptée par le Parlement en avril dernier, ou la directive-cadre sur la surveillance des eaux souterraines, ou encore le projet de révision de la directive sur la taxation de l’énergie – reste également incertain, et pourrait bien faire l’objet de tractations.

En effet, issue du paquet Fit-for-55 (un ensemble de propositions visant à réviser et à actualiser la législation de l’UE), la quasi-totalité des textes adoptés dans ce cadre comportent des clauses de revoyure. Or, le futur président de la Commission dispose d’un monopole d’initiative quant au choix de rouvrir ou non un dossier. Il lui appartiendra donc de chercher à maintenir ou à amoindrir leur niveau d’ambition. Il – ou elle – disposera ainsi d’un moyen de négociation non négligeable afin de prendre en compte – ou pas – les nouveaux rapports de force du Parlement européen.

En fin de compte, rien n’est encore joué, ni dans un sens ni dans l’autre, mais ce qui reste une certitude, c’est l’effondrement effectif de l’influence française sur l’ensemble de ces dossiers européens, les Français ayant préféré accorder leurs voix à des formations politiques au pouvoir parlementaire plus modeste, voire inexistant.

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