De déclaration en déclaration, d’interview en interview, le professeur Dominique Belpomme accumule erreurs et approximations, au point de jeter un total discrédit surla cause qu’il défend.
Dans son rapport parlementaire sur « Les nouveaux apports de la science et de la technologie à la qualité et à la sûreté des aliments », publié en avril 2004, le sénateur Claude Saulnier explique que « l’un des effets des crises alimentaires de la dernière décennie a permis l’amélioration de la transparence de l’information sur ces questions. De ce fait, la société est victime d’un effet de loupe qui grossit des incidents alimentaires dont le nombre est de moins en moins élevé (…).
Le consommateur a donc l’impression d’être soumis à un environnement alimentaire potentiellement dangereux ». C’est dans ce registre de phobie que s’inscrivent les diverses interventions du professeur Dominique Belpomme. La dernière en date est un article publié dans le numéro de novembre de Top Famille, sous le titre révélateur : « Danger : la pollution se trouve aussi dans nos assiettes ! » Pesticides, nitrates, additifs alimentaires, conservateurs, rien n’échappe à son long réquisitoire. Cependant, aucun de ses propos n’est étayé sur des arguments sérieux. « Pour beaucoup de scientifiques, dont je fais partie, nombre de maladies sont liées à la dégradation de notre environnement. Même si nous n’en détenons pas encore la preuve scientifique », nous apprend-il. Dans son livre Ces maladies créées par l’homme (éd. Albin Michel), le professeur affirmait déjà que « 80% à 90% des cancers sont causés par la dégradation de notre environnement ». Comment obtient-il ce chiffre ? En additionnant la pollution (responsable de 2 à 5%) aux 70% imputables aux conduites individuelles (tabac, alcool, etc…) ! En effet, pour le professeur, il faut prendre l’environnement « au sens large du terme », en incluant le mode de vie !
Erreurs et approximations
Autre exemple d’amalgame, le professeur explique que si les nitrates ne sont pas directement cancérigènes, ce sont « leurs produits de transformation dans l’organisme humain (nitrites, nitrosamines) qui peuvent l’être (…) Mais nous manquons ici de données épidémiologiques ! En effet, les données épidémiologiques prouvent plutôt le contraire : ainsi, le Comité Scientifique de l’Alimentation Humaine en Europe souligne que « les nombreuses études épidémiologiques consacrées aux nitrates ont échoué dans leur tentative de démontrer leur association à un quelconque risque cancérigène chez l’homme » (EU,1995b). Propos confirmés par le Subcommittee on Nitrate and Nitrite in drinking Water : « Les données épidémiologiques ne plaident pas en faveur d’une réelle association entre l’exposition exogène aux nitrates et la carcinogenèse humaine » (NRC, 1995).
Qu’à cela ne tienne, pour Dominique Belpomme, les seuls scientifiques honnêtes sont ceux qui partagent ses allégations. « Je ne connais pas de vrais scientifiques indépendants qui soient favorables à ces produits [les OGM] », affirme-t-il. En clair, les autres sont soit de faux scientifiques, soit ils ne sont pas indépendants ! Ce qui n’empêche le professeur de commettre erreurs et approximations scientifiques en série. Par exemple, dans le numéro 14 d’Avenir Agricole, il confond le nombre de personnes atteintes d’un cancer et celui de personnes mourant d’un cancer : « presque un homme sur 2 et presque une femme sur 3 meurent de cancer », alors qu’un homme sur 2 et une femme sur 3 sont atteints d’un cancer. « Sans doute s’agit-il d’une coquille que je n’ai pas relevée à la lecture du texte, avant son impression », s’explique-t-il sans vergogne. Autre perle, tirée de son livre : « En raison de sa solubilité dans l’eau, [le plomb] contamine non seulement l’eau potable dans les tuyauteries, mais aussi les viandes de bovins que nous mangeons car ceux-ci lèchent le plomb des batteries des clôtures électriques dans les champs ». C’est ce que M. Belpomme, « petit-fils d’agriculteur », a pu observer lui-même…
Dans l’article de Top Famille, le professeur “révèle” pourquoi « les personnes qui ne mangent que bio semblent elles aussi contaminées par des substances chimiques ». Son hypothèse : « peut-être à cause de la contamination de l’eau d’arrosage » !
Du Fipronil dans le Gaucho ?
Enfin, dans un entretien accordé au Midi Libre le 15 octobre, Dominique Belpomme poursuit : « La molécule Fipronil, contenue dans le Régent et le Gaucho, est un polluant organique persistant ». Deux erreurs dans la même phrase ! Il n’y a pas de Fipronil dans le Gaucho, sa substance active s’appelant l’imidaclopride. Le Fipronil et l’imidaclopride sont deux molécules parfaitement distinctes appartenant à deux familles chimiques différentes (phenylpyrazole pour le Fipronil et neonicodinoïde pour l’imidaclopride). Ensuite, le Fipronil n’est classé comme Pop dans aucune liste officielle, car il ne répond pas à la définition d’un Pop. Peut-être une simple question de détail ? Il aurait pourtant suffi à M. Belpomme de vérifier l’information sur le site de PAN, association anti-pesticides dont il est lui-même membre…
Le professeur livre également des « conseils » très particuliers en nutrition. Ainsi, pour « limiter les risques » de cancer, il déclare qu’il faut consommer beaucoup de fruits et légumes, car ils « contiennent des fibres longues, qui ont une action de ratissage du gros intestin, ainsi que des vitamines et des molécules antioxydantes, qui annulent l’effet toxique de certains contaminants ». Discours très politiquement correct. Il poursuit cependant : « Dans l’idéal, il faudrait faire cuire les légumes en deux fois : une première fois pendant un quart d’heure à l’eau du robinet, que vous jetez avec les pesticides et les résidus toxiques ; la seconde à l’eau minérale ». Or, d’après les études récentes, ce seraient principalement les vitamines C et E contenues dans les fruits et légumes qui auraient un rôle protecteur contre les cancers, celles-là même qui disparaissent lors de la double cuisson recommandée par le professeur !
Il est étonnant que ce dernier ne se soit pas davantage questionné sur le rôle des aliments nitratés pour freiner ou limiter l’apparition des cancers ! En effet, au cours des 20 dernières années, 11 études épidémiologiques, 6 études de corrélation géographique et 5 études de cas-contrôle, ont toutes conclu à l’existence d’une corrélation significativement négative entre les apports en nitrates et les incidences des cancers gastriques. Ces études confirment les résultats de l’équipe de A. Makekawa qui, en 1982, avait nourri 300 rats pendant deux années consécutives avec des rations alimentaires contenant 2,5 à 5% de nitrate de sodium. Les auteurs n’avaient enregistré aucun accroissement d’incidence de cancer ; en revanche, ils avaient noté chez les animaux « traités » une nette diminution de cas de leucémie.
Faut-il en conclure que les obligations médiatiques de Dominique Belpomme ne lui laissent plus suffisamment de temps pour se consacrer à la recherche sur le cancer ?