La Suisse se prépare sereinement à réintroduire les farines animales, comme vient de le révéler le quotidien genevois Le Temps, dans son édition du 5 mai 2008. Selon Cathy Maret, porte-parole de l’Office vétérinaire fédéral (OVF) suisse, « il n’est en effet pas raisonnable de prolonger l’interdiction des farines animales indéfiniment. Elle nous oblige à réduire en cendres une grosse partie de chaque animal abattu, soit d’énormes quantités de protéines, ce qui représente un gaspillage à la fois économique et écologique. » Ce gaspillage est inacceptable à l’époque de la hausse du prix mondial des céréales (et du soja en particulier), qui a considérablement augmenté le coût des protéines d’origine végétale destinées aux animaux.
Depuis quelques mois, des réunions se succèdent tant en Suisse qu’au sein de l’Union européenne pour étudier le sujet et consulter les parties concernées. « Diverses mesures d’interdiction pourraient être levées à certaines conditions », a expliqué au quotidien helvétique Marie-Antonie Kerwien, attachée de presse de la Commission européenne pour les affaires de santé. Elle note que « les Etats-membres ont accompli un premier pas en ce sens le 22 avril dernier, en avalisant une proposition de la Commission autorisant l’usage de farine de poisson comme lait de remplacement des jeunes ruminants. »
Cependant, pour l’OVF, une future réintroduction ne pourra se faire que si cinq conditions sont remplies : à savoir, que seuls certains déchets d’abattage (dits de catégorie 3) soient utilisés ; que les farines animales ne soient destinées qu’aux omnivores (porcs, poules, poissons) et non aux herbivores (vaches et moutons). « La raison n’est pas là sanitaire mais uniquement philosophique », précise le quotidien helvétique. Troisièmement, que tout « cannibalisme » soit évité : la farine de poule n’ira plus aux poules, ni celle des porcs aux porcs. Bien qu’il s’agisse ici aussi d’une question d’ordre moral, cette condition imposera une restructuration drastique des filières, « qui devront devenir parfaitement étanches, de l’abattoir au moulin, contrairement à leurs habitudes passées ». Quatrièmement, que des contrôles techniques permettent de détecter d’éventuels résidus interdits. Cinquièmement, que la Suisse franchisse le pas le jour où l’Union européenne le fera, et pas avant.
« Tous les yeux sont donc tournés vers Bruxelles. Un feu vert de l’Union européenne, qui s’est montrée très stricte jusqu’ici, ne manquerait pas en effet de donner un signal essentiel à la Suisse », conclut Le Temps, qui note cependant qu’il faudra d’abord convaincre les consommateurs. Or, pour ces derniers, farines animales riment avec crise de la vache folle. « Nous nous préparons à ouvrir différentes discussions », confie Ruedi Zweifel, directeur d’Aviforum, qui défend les producteurs d’œufs et de volailles. « Nous devrions avoir prochainement une première rencontre avec la présidente des consommateurs de Suisse orientale », précise-t-il.
Un groupe de travail réunissant des producteurs, des distributeurs et des consommateurs, a été mis en place par l’Union suisse des paysans, qui représente toute la branche agricole helvétique. Sandra Helfenstein, son porte-parole, explique : « C’est une affaire hautement politique. Notre but est de prendre le temps d’une discussion dans le calme. »