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Fabiola Flex / Le plaisir de manger ce que l’on aime

 Avec L’alimentation de vos enfants, Fabiola Flex signe son deuxième opus sur un sujet toujours d’actualité : la nutrition. La journaliste, qui a travaillé pendant deux ans au département marketing de la multinationale Unilever France, fait incontestablement partie de ceux qui osent s’attaquer à des sujets qui fâchent.

Dans N’avalons pas n’importe quoi !, paru en 2005, Fabiola Flex avait déjà livré les résultats d’une enquête fouillée sur l’arrière-cuisine des grandes marques de l’agroalimentaire, concluant que les produits-miracles enrichis en vitamines et minéraux, tant vantés par la publicité, n’étaient que des mirages très cher payés.

Ce premier livre – qui « énerve l’agroalimentaire », comme le suggérait alors Le Canard Enchaîné – n’avait fait l’objet que de cinq malheureux articles. L’histoire révélée de « la tambouille secrète des rois du yaourt enrichi ou du biscuit allégé » avait subi un véritable boycott de la part de la presse, « histoire de ne pas fâcher les annonceurs que sont Danone, Nestlé, Unilever, Kellogg’s et consorts », analysait l’hebdomadaire satirique.

Avec L’alimentation de vos enfants, rédigé en collaboration avec Patrick Tounian, responsable de l’unité de nutrition pédiatrique de l’hôpital Armand Trousseau (Paris), Fabiola Flex renouvelle l’expérience. S’attaquant aux arguments-santé mis en avant par les stratèges de l’industrie « pour faire avaler aux enfants et adolescents des vitamines et oligo-éléments dont ils n’ont pas nécessairement besoin», elle poursuit sa croisade contre « les a priori et les contrevérités véhiculés par les messages publicitaires ». Mais aussi contre certains excès des campagnes de prévention contre la malbouffe. Le message de son livre est simple et direct : arrêtons de culpabiliser et retrouvons le plaisir de manger ce que l’on aime.

Toutefois, les auteurs risquent de ne plus bénéficier de l’appui du Canard Enchaîné. En effet, Fabiola Flex et Patrick Tounian se sont aventurés sur un chemin hautement périlleux, qui consiste à affirmer que manger des aliments bio ne constitue pas un gage de pratiques alimentaires plus responsables. « Inutile de chercher le salut dans le bio, qui, du point de vue nutritionnel, n’est d’aucun bénéfice pour la santé des plus jeunes », note Fabiola Flex, qui consacre un chapitre entier à la question. De quoi énerver une nouvelle fois l’agro-alimentaire, grand bénéficiaire de la vague des produits bio, mais aussi irriter sévèrement quelques journalistes bien pensants, dont Jean-Luc Porquet, spécialiste de la nutrition au Canard.

Les vertus cachées du bio

Ce n’est donc pas dans ses colonnes que l’on retrouvera les meilleurs passages de L’alimentation de vos enfants. Pourtant, ce livre – qui n’est pas un ouvrage scientifique, et aurait tiré profit d’une relecture par des spécialistes – mérite d’être lu. Ainsi, Fabiola Flex rapporte comment des familles de la commune de Villepreux, en région parisienne, ont refusé le passage au bio dans les cantines scolaires, estimant que le coût n’en valait pas nécessairement la chandelle. Un avis partagé par l’auteur, et qui est conforme au rapport de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments sur ce sujet.

« Le bénéfice nutritionnel des légumes biologiques au regard de l’apport de minéraux et oligo-éléments est négligeable», notent en effet les spécialistes de l’Afssa. À la recherche des vertus nutritionnelles « très bien cachées » des aliments bio, Fabiola Flex a passé au peigne fin diverses pâtes à tartiner. Si la préparation de Bjorg contient 80 mg de calcium de plus aux 100 g que le célèbre pot de Nutella, elle affiche un surcoût de 7 euros le kilo, ce qui rend très onéreux le milligramme de calcium. D’autant plus qu’un simple verre de lait apporte une quantité de calcium similaire à six cuillères à café de pâte à tartiner Bjorg, sans les 450 calories qui vont avec ! Reste la purée d’amandes complètes, censée représenter une alternative au « méchant » Nutella, et qui aurait l’avantage d’être « plus riche en vitamine E et en argimine, un acide semi-essentiel qui stimule la combustion des aligraisses et la croissance », comme l’annonce l’enseigne Naturalia sur son site Internet. À 11 euros le pot de 700 g sur naturalia.fr, soit près de trois fois le coût d’un pot de Nutella, c’est surtout le prix qui explose, commente Fabiola Flex. La journaliste garde le meilleur pour la fin : naturel peut aussi rimer avec toxique. « Les pesticides autorisés en agriculture biologique ont beau être naturels, ils ne sont pas pour autant exempts de toxicité », souligne-t-elle, reprenant l’exemple de la roténone, un pesticide utilisé en bio et dont la Communauté européenne a exigé l’interdiction depuis 2008, mais qui continue à être utilisé en France.

La riposte de nutrition.fr

Il n’en fallait pas plus pour que Fabiola Flex subisse les foudres du site nutrition.fr, dont le fonds de commerce réside précisément dans l’apport de conseils alimentaires en tout genre. « De plus en plus d’études montrent que l’exposition aux pesticides, y compris ”à bas bruit”, peut avoir des conséquences sur la santé, et ce, même sur plusieurs générations », note Aline Périault, la rédactrice en chef du site. Elle ajoute : « Par ailleurs, certaines études ont également mis en évidence que certains fruits et légumes issus de l’agriculture biologique (mais pas tous), sont plus riches en antioxydants que leurs homologues issus de l’agriculture traditionnelle ». Bref, Fabiola Flex aurait tout faux. Pire, elle ferait même dire n’importe quoi à la science, « pour le plus grand plaisir de l’industrie agro-alimentaire ». Aline Périault aurait d’ailleurs découvert que l’ancienne journaliste est aujourd’hui consultante pour le cabinet Anthenor, « une entreprise de lobbying comptant parmi ses clients des sociétés de l’agro-alimentaire comme Danone ». Autrement dit, Fabiola Flex ferait soudainement le jeu d’une des principales industries de l’agro-alimentaire, qui s’illustre pourtant par l’usage du marketing-santé dénoncé par l’auteur.

Source :

L’alimentation de vos enfants, Fabiola Flex et Patrick Tounian, Denoël Impacts, août 2010

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