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Que révèle le flop de « l’affaire Johan Papz » ?

Erreurs graves commises par un cabinet de lobbying bruxellois, et enquête bâclée par un journaliste de FranceTV jettent l’opprobre sur la filière des fruits et légumes. Retour sur une semaine agitée

Le 21 janvier dernier, Johan Papz, le youtubeur aux 700 000 abonnés, a publié sur sa page Instagram une vidéo – excellente, au demeurant – dans laquelle il donne la parole à des producteurs d’endives. 

Dans cette vidéo, Johan Papz laisse entendre qu’il a été sollicité par des « agriculteurs du nord de la France ». Des agriculteurs inquiets face à l’interdiction programmée d’un désherbant à base de benfluraline. À aucun moment, le jeune homme ne mentionne le fait qu’il a été rémunéré pour cette réalisation, une pratique pourtant très courante chez les youtubeurs. Estimant avoir été trompé par une agence de communication belge, à savoir The Louise Company, Johan Papz a retiré sa vidéo au bout d’une petite semaine. L’agence en question, dirigée par l’ancienne journaliste française Charlotte Baut, lui avait en effet menti sur l’identité véritable du sponsor, comme cela a été très rapidement révélé suite à la polémique déclenchée sur Twitter par le journaliste écolo de FranceTV, Hugo Clément. Erreur fatale, qui n’est pas la seule commise par Mme Baut.

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Erreur sur erreur

La toute première fut en effet de ne pas s’imaginer que, en adressant un script avec son cahier des charges à une série d’agences qui gèrent la communication de différents « influenceurs » afin de solliciter leur participation, ce document confidentiel pourrait bien atterrir dans la boîte aux lettres d’un journaliste. C’est pourtant ce qui s’est passé, permettant à Hugo Clément de « révéler » qu’il n’y avait rien de très « spontané » dans ladite vidéo. « Cette vidéo n’est pas un reportage désintéressé, mais un partenariat rémunéré », a-t-il immédiatement tweeté.

En revanche, croyant connaître l’origine des fonds, le journaliste de FranceTV s’est empressé d’affirmer que la vidéo aurait été « financée par Interfel ». Faute d’avoir mené une petite enquête, le journaliste commet ainsi, lui aussi, sa première erreur.

Cette accusation sans fondement ayant très vite été réfutée par l’interprofession, Hugo Clément a ensuite avancé que le commanditaire en aurait été l’association Légumes de France. Une information qu’il prétendait tenir de… Charlotte Baut. Sauf que cette dernière l’a tout simplement induit en erreur, comme elle l’a fait d’ailleurs avec l’agence Point d’Orgue, qui gère la carrière du jeune influenceur. Mais l’idée plaît au journaliste, qui commet ainsi sa seconde erreur. Et s’il ne vérifie pas l’info, c’est tout simplement que la thèse du financement par Légumes de France, une association liée à la FNSEA – le diable incarné, à ses yeux –, est jouissive. Voici donc le syndicat majoritaire impliqué dans la défense d’un méchant pesticide !

Imperméable aux multiples démentis de Légumes de France, et de Charlotte Baut elle-même, contrainte de se rendre à l’évidence au travers d’un premier communiqué de presse, Hugo Clément maintient urbi et orbi ses accusations contre Légumes de France, en y ajoutant : « Votre pression pousse l’agence à la faute. » Bref, son manque de professionnalisme est finalement assez comparable à celui de la patronne de The Louise Company : quand Charlotte n’hésite pas à mentir aux uns et aux autres – y compris aux producteurs d’endives –, Hugo accuse à tort et à travers, et sans jamais présenter d’excuses.

Pris pour des pigeons

N’ayant anticipé aucun questionnement sur l’identité des sponsors de la vidéo – encore une belle faute professionnelle ! –, Charlotte Baut s’enlise dans une série de mensonges dans le seul but de protéger son commanditaire, la société EU Focus, un cabinet de lobbying peu connu à Bruxelles. 

Fondé par Pascal Michaux, le maître d’œuvre de cette opération lamentablement ratée, EU Focus a en effet été mandatée par Gowan, une firme phytosanitaire, pour faire du lobbying à Bruxelles en vue de la réhomologation d’un de leurs produits. 

Sauf que Pascal Michaux a jugé bon de mener, en parallèle, cette médiocre opération de communication, confiée à Charlotte Baut. Interrogé par A&E, celui-ci s’est dérobé à tout commentaire, refusant d’endosser la responsabilité de ce fiasco, tandis que, de son côté, l’ancienne journaliste reconvertie ne répond tout simplement plus aux appels.  « Nous avons été piégés », déplore, quant à elle, l’agence Point d’Orgue. Et chez les producteurs, la colère gronde tout autant : « On a l’impression d’avoir été pris pour des pigeons », s’insurge Frédéric Le Vigoureux, directeur de l’Association des producteurs d’endives de France (APEF). « Il est déjà suffisamment périlleux pour nos filières de défendre le peu de produits phyto qui nous restent, mais si en plus, une agence de communication se permet de ternir la réputation des agriculteurs et de leurs organisations professionnelles, on n’a pas fini de ramer ! C’est scandaleux et malhonnête », note encore le directeur dans un courrier adressé à Pascal Michaux, depuis lors démis de ses fonctions.

Tout cela est en effet fort déplorable, car le sort d’un produit ne saurait se décider sur les réseaux sociaux. Il n’en reste pas moins que les producteurs d’endives ont bien raison de ne pas comprendre pourquoi ils devraient se voir privés du seul produit capable de les protéger contre les chénopodes et d’autres adventices. 

« À l’heure de la lutte contre le réchauffement du climat, l’usage de la binette ou de solutions thermiques ne sont certainement pas les meilleures alternatives », insiste Frédéric Le Vigoureux. D’autant que le Bonalan – nom de sa formulation commerciale – ne figure sur aucune liste des produits à risque : il n’est ni cancérogène, ni mutagène, ni toxique pour la reproduction (Liste CMR1). En usage depuis presque cinquante ans, il reste autorisé dans de nombreux pays membres de l’UE. Enfin, il y a trois ans à peine, l’Anses lui a accordé une AMM, estimant, dans son avis en date du 8 août 2017, que, dans les conditions d’emploi autorisées, « les niveaux d’exposition estimés pour les espèces non-cibles, terrestres et aquatiques sont inférieurs aux valeurs de toxicité de référence pour chaque groupe d’organismes ».

Un risque acceptable ?

Comment expliquer alors que la Commission européenne refuse aujourd’hui de donner son aval à sa réhomologation ? 

Pour faire simple, le pays rapporteur, la Norvège, se base sur le fait que l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) déplore l’absence de certaines données, concernant principalement les risques pour la faune, « ne permettant pas d’exclure que celui-ci soit persistant, bio-accumulatif et toxique ». La Norvège s’est donc prononcée pour l’interdiction de ce produit… que ce pays n’a par ailleurs jamais autorisé, faute d’en avoir l’utilité. 

La Commission a tout naturellement suivi les recommandations du pays rapporteur, alors qu’une majorité confortable de pays – incluant notamment la Belgique, l’Espagne, l’Italie et la Pologne – estime que, en accompagnant l’homologation de quelques mesures techniques (l’emploi de buses anti-dérive ou un usage à 6 ou 4 L/ha au lieu de 8 L/ha), le risque sur la faune serait parfaitement acceptable. D’où les débats qui se déroulent en ce moment à Bruxelles, et qui promettent encore de se poursuivre pendant quelques mois, la France n’ayant toujours pas pris le parti d’être du côté de ses producteurs…

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