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Nicolas Meyrieux, un humoriste écolo-décroissant finalement pas très drôle

Très populaire chez les ados, l’humoriste Nicolas Meyrieux véhicule un discours écolo-décroissant et n’hésite pas à flirter avec les milieux complotistes les plus radicaux

La première chaîne du service public à destination des « jeunes adultes », France.tv Slash, a mis en ligne une série de cinq vidéos baptisées le «Too Late Show, l’émission qui t’explique pourquoi c’est trop tard… ou pas ! ».

Coproduites par la société de production Premières Lignes, à qui l’on doit aussi l’émission « Cash Investigation » sur France 2, ces vidéos, d’une dizaine de minutes chacune, enchaînent les clichés écolo-décroissants sur les épidémies, les labels alimentaires, le climat, la voiture électrique et les abeilles.

Ce « Too Late Show » fait un carton auprès des jeunes non seulement par son « esprit grinçant », mais aussi grâce à un savant montage fidèle aux méthodes de propagande qui ont déjà fait leurs preuves dans les autres productions de Premières Lignes.

Son impact est d’autant plus fort chez les jeunes qu’il est présenté par l’humoriste Nicolas Meyrieux. Peu connu du grand public, ce dernier fait partie d’une petite clique de youtubeurs, tels le Professeur Feuillage ou Partager c’est sympa, qui se sont fait connaître au moyen de vidéos engagées sur le thème de l’écologie, dont la diffusion flirte régulièrement avec les quelques centaines de milliers de vues.

Un formatage écolo-décroissant de la jeunesse

Les vidéos de Nicolas Meyrieux permettent entre autres de parfaire le formatage écolo-décroissant d’un public plutôt sympathisant de Greta Thunberg, qui constitue le gros des troupes lors des manifestations sur le climat. Revendiquant un écologisme radical de gauche qui s’inscrit dans la mouvance « collapsologue » de Pablo Servigne, l’humoriste est convaincu que « tout est en train d’éclater ». « Je sais que la biodiversité est en train d’éclater, que la surpopulation est en train d’éclater et que l’épuisement des ressources est en train d’éclater », décrète-t-il. Et pour ralentir cette « chute écologique », il prône la fin de notre modèle économique.

En ce qui le concerne, il a déjà renoncé à la voiture et à l’avion, n’achète plus de « fringues » et est devenu végétarien. Il a aussi décidé de ne pas avoir de descendance. « Je trouve ça égoïste de faire des enfants dans un monde qu’on a foutu en l’air et de leur dire : “Démerdez-vous avec ça” », a-t-il ainsi confié dans une vidéo qui a été vue plus de 370 000 fois sur YouTube. Par ailleurs, il encourage à mener des actions de désobéissance civile et de violence… mais sans lui : « Moi je suis pour, je les encourage à le faire mais je ne le ferais pas car ce n’est pas mon tempérament. Me taper avec des CRS, ça ne m’intéresse pas mais il faut qu’il y ait des gens qui le fassent, la violence est nécessaire. »

Le confusionnisme

Les convictions de Nicolas Meyrieux ne l’empêchent pas de participer, comme d’autres au sein de la mouvance écologiste, à l’émergence de ce que certains qualifient de « confusionnisme », marqué par l’effondrement des repères entre la gauche radicale, l’écologisme et la réacosphère.

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Ce « confusionnisme » est rendu possible par une commune grille de lecture complotiste et manichéenne du monde, où les acteurs des secteurs industriels et financiers incarnent les forces du Mal, et où les responsables publics sont ou lâches ou corrompus. Nicolas Meyrieux assume son complotisme, tout en l’opposant au conspirationnisme : « Il y a, une fois par an, le groupe Bilderberg qui se rassemble. Et ça, ce n’est pas du conspirationnisme, c’est acté, prouvé, il y a des images. C’est une fois par an, les 100 personnes les plus riches du monde se réunissent avec des hommes politiques et les journalistes n’ont pas le droit de rentrer. »

En revanche, explique Meyrieux, « le conspirationnisme, c’est s’imaginer ce qui se dit là-dedans. (…) Pour moi, il y a un complot, ou sinon on nous empêcherait pas de savoir ce qu’il y a là-dedans ».

Les convictions de Nicolas Meyrieux ne l’empêchent pas de participer, comme d’autres au sein de la mouvance écologiste, à l’émergence de ce que certains qualifient de « confusionnisme », marqué par l’effondrement des repères entre la gauche radicale, l’écologisme et la réacosphère

Collaboration avec Pollinis

La vidéo réalisée sur les abeilles incarne un parfait exemple de cette vision. On y retrouve ainsi, figé dans l’éternel rôle des méchants, ceux qui dirigent secrètement le monde, Jean-Charles Bocquet, le porte-parole à la retraite de l’UIPP, et dans le camp des gentils, une jeune et sympathique représentante de l’association Pollinis.

Présentée comme « la CGT des abeilles », Pollinis n’est en réalité ni plus ni moins que l’association de lobbying fondée par Nicolas Laarman. Comme son cousin Vincent, il a été à « l’école » de son père, François. Ce dernier, aujourd’hui décédé, a été le fondateur d’une « galaxie vieille de trente ans, aux idées bien arrêtées et aux méthodes marketing agressives », relate ainsi Le Monde, qui a consacré un article à la « galaxie conservatrice des Laarman ».

Le quotidien poursuit : « Toutes [Contribuables associés, Sauvegarde retraites, l’Institut pour la justice, SOS Éducation] portent une vision de la société à la fois conservatrice et économiquement libérale. »

Nicolas dirige aujourd’hui Pollinis tandis que son cousin, Vincent, a ajouté à la nébuleuse créée par son oncle Santé nature innovation (SNI), une société suisse aux ramifications multiples, qui « a longtemps compté le très controversé professeur Henri Joyeux dans son comité scientifique ». SNI a d’ailleurs été épinglée à plusieurs reprises, notamment par l’UFC-Que Choisir, pour « sa promotion de traitements “miracles” dont les effets sanitaires restent sujets à caution, et ses articles antivaccins ». Certes, Nicolas n’est pas Vincent, et Vincent n’est pas Nicolas, mais les deux cousins ont aussi parfaitement l’un que l’autre assimilé les méthodes mises en place par le patriarche.

Le message de la vidéo est donc à charge, dénué de toute nuance et saupoudré de l’indispensable pincée d’un complotisme à peine voilé. Les néonicotinoïdes seraient ainsi responsables de la disparition des abeilles, mettant en péril notre alimentation tout entière, pendant que les lobbyistes de l’agrochimie continuent à imposer leurs lois à Bruxelles.

Flirt avec la réacosphère

Dans le même esprit, Nicolas Meyrieux s’était déjà fait connaître, il y a six ans, grâce à une websérie intitulée « La Barbe ». Il s’agissait de cinquante vidéos de cinq minutes, dont certaines coproduites avec France Télévisions, traitant de thèmes très variés (le porno, les migrants, les hôpitaux) ainsi que de nombreux sujets écolos : les pesticides, le pétrole, l’eau, etc.

Pour le scénario de quelques-unes de ces vidéos, l’humoriste avait alors fait appel à La Relève et la Peste, un média dit « alternatif » qu’il « adore », animé par des gens dont il clame volontiers que « ce sont des amis ». Or, ce média, qui se revendique « humaniste, écologiste et surtout antiraciste », a démarré son activité en publiant un manifeste d’Étienne Chouard, décrié pour sa complaisance envers des personnalités telles que l’antisémite Alain Soral ou le conspirationniste Thierry Meyssan. Nicolas Meyrieux partage l’opinion de Chouard sur la démocratie, et il fait volontiers référence à lui pour justifier son refus de voter à l’élection présidentielle.

La collaboration de Nicolas Meyrieux avec l’association Kokopelli en fournit un autre exemple très parlant. Ainsi, en novembre 2017, l’humoriste a consacré un épisode de « La Barbe » au sujet des semences, réalisé avec la collaboration d’Ananda Guillet, le patron de Kokopelli. Ce dernier, qui partage la vision complotiste de l’humoriste, n’hésite pas à remettre en question la « version officielle » sur les attentats islamistes ni à encenser Thierry Meyssan, le complotiste tant apprécié par la fachosphère.

À lire aussi : Le complotisme d’Ananda et Dominique Guillet

Et de fait, sur un ton qui se veut décalé, on retrouve dans la vidéo de Meyrieux sur les semences toute la « subtilité » du discours de Kokopelli. Grimé en Adolf Hitler, Nicolas Meyrieux y apparaît face à un champ de maïs, vociférant qu’il veut « voir des maïs identiques » et hurlant : « Ici, nous ne cherchons pas la biodiversité mais le rendement et la productivité. »

Sur un ton qui se veut décalé, on retrouve dans la vidéo de Meyrieux sur les semences toute la «subtilité» du discours de Kokopelli. Grimé en Adolf Hitler, Nicolas Meyrieux y apparaît face à un champ de maïs


Bref, en moins d’une minute, le point Godwin est brillamment atteint, tandis que la vidéo se termine par une citation de Dominique Guillet, fondateur de l’association Kokopelli, dont les délires antisémites et conspirationnistes agrémentés à la sauce mystique sont pourtant de notoriété publique…

Bio et retour à la terre

Pour ce qui est des questions agricoles, Nicolas Meyrieux ne fait pas davantage dans la nuance, éructant contre « l’agriculture française, la fameuse, la grosse, de merde, industrielle (…) celle qui tue les sols et empoisonne les gens ».

En février 2019, à la demande de Pour une autre PAC, une plateforme de trente-cinq organisations issues de la mouvance écolo-bio, il a réalisé une vidéo qui sera visionnée plus de 200 000 fois, dans laquelle il fustigeait « ce modèle productiviste de merde ». Selon lui, le salut serait bien entendu dans le bio, local et non industriel.

En 2019, il a également été embauché par le GAB 44 (le Groupement des agriculteurs biologiques de Loire- Atlantique) pour réaliser quatre vidéos afin de « tordre le cou aux idées reçues sur la bio »

Diffusées au premier trimestre 2020, ces vidéos ont été vues, selon le GAB 44, près de 200 000 fois chacune et abondamment partagées sur Facebook. L’objectif de ladite commande était clair : répondre aux « attaques» dont le lobby du bio estime être la cible sur les réseaux sociaux.

Côté solutions, les idées avancées par Nicolas Meyrieux sur l’agriculture ont de quoi laisser pantois, y compris parmi les militants écologistes tant soit peu raisonnables.

En effet, le projet au cœur de son programme consisterait à envoyer plus de six millions de Français dans les champs pour cultiver du bio ! Suivant une logique d’une simplicité remarquable : « Un mec peut nourrir dix personnes. Ça veut dire qu’il suffit qu’il y ait 10% de la population française qui deviennent paysans et on est autonome alimentairement, tout ça sans pétrole, sans pesticides, sans engrais, sans OGM. La PAC, je refile tout à ceux qui font de l’agroécologie et du bio. » Ce retour à la terre serait, selon lui, bien plus qu’incitatif. Ainsi, explique-t-il, tout chômeur qui « ne trouve pas de boulot dans son secteur au bout d’un an » pourrait bénéficier d’une formation rémunérée pour devenir maraîcher.

En somme, l’humoriste reprend à son compte le refrain des pionniers réactionnaires de l’écologie politique de Vichy (Henri Pourrat, Alexis Carrel, H.C. Geffroy, etc.), selon lequel « la ville corrompt l’âme du paysan ».

« La ville est une énorme connerie. Ça nous coupe de la nature, ça nous coupe des relations humaines, ça nous détruit, la ville. (…) Il y a beaucoup trop de gens dans les villes pour qu’on les nourrisse », déplore Meyrieux, qu’on trouve de moins en moins drôle au fur et à mesure qu’il nous révèle le fond de sa pensée.

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