AccueilBiotechnologiesPlusieurs ministres de l’Agriculture de l’UE s’accordent pour défendre les NGT

Plusieurs ministres de l’Agriculture de l’UE s’accordent pour défendre les NGT

Alors qu’il existe encore un large consensus en défaveur des biotechnologies transgéniques, les nouvelles techniques génomiques suscitent aujourd’hui de nombreux avis positifs parmi les États membres de l’Union européenne, semble indiquer la dernière réunion informelle des ministres de l’Agriculture qui s’est tenue en septembre dernier

Lors de la réunion informelle des ministres de l’Agriculture qui s’est déroulée le 16 septembre dernier à Prague, le sujet des nouvelles techniques génomiques (NGT) était encore une fois au menu du jour. Avec un accueil plutôt favorable. Ainsi, dès son arrivée, le ministre français de l’Agriculture Marc Fesneau a rappelé que « la position française est claire : dès lors qu’elles permettent d’assurer la transition agroécologique, de faire face au dérèglement climatique, c’est une voie qu’il faut explorer ».

Une source présente à la réunion a indiqué au réseau médiatique paneuropéen Euractiv que d’autres ministres de l’Agriculture avaient également exprimé leur soutien à la technologie, notamment ceux de la Suède, de la Lituanie, des Pays-Bas, de Malte, de l’Irlande, de l’Italie, de la Hongrie, de la Roumanie et de la Belgique.

« Nous parlons ici des techniques génomiques et de leur utilisation, et nous avons besoin d’une approche adaptée aux besoins, proche de la sélection traditionnelle. Et cela devrait nous aider à avoir des produits agricoles plus résilients à la sécheresse, au gel, aux nuisibles », a indiqué Zdeněk Nekula, le ministre tchèque de l’Agriculture, lors de la conférence de presse qui a suivi cette réunion, précisant qu’il restait « opposé aux OGM ». Pour sa part, Janusz Wojciechowski, le commissaire européen à l’Agriculture, s’est montré très prudent. « Nous allons fonder la proposition sur une étude d’impact. Nous devons être très vigilants pour éviter des risques pour l’environnement, la santé publique et les intérêts économiques des agriculteurs. Par exemple, l’agriculture bio doit être protégée des conséquences potentielles de ces nouvelles techniques », a-t-il précisé. Et d’annoncer que la Commission prévoit de présenter sa proposition au cours du deuxième trimestre de 2023.

Lire aussi : NBT : une longue bataille en perspective pour les nouvelles techniques génomiques

Selon cet agenda, aucune révision de la directive encadrant les OGM ne sera donc entrée en vigueur avant 2024, ce qui laisse les semenciers dans une insupportable incertitude concernant le cadre législatif de ces nouvelles techniques pour plusieurs années encore.

Cependant, la présidence tchèque du Conseil de l’Union européenne a récemment publié un document de travail, intitulé Ensuring food security: the role of EU agriculture and food industry in sustainable global food production, qui souligne le fait que « l’utilisation des NGT se développe rapidement, certains produits étant déjà commercialisés dans des pays tiers ». « Dans le contexte actuel de crise alimentaire mondiale, l’UE ne peut se permettre de laisser passer les opportunités que ces techniques de sélection modernes peuvent offrir », estime ce rapport, ajoutant que « l’initiative visant à créer un nouveau cadre juridique pourrait garantir la sécurité juridique de toutes les parties prenantes sur le marché européen sans pour autant abaisser les normes européennes de sécurité alimentaire ».

Un positionnement conforté par les résultats de la consultation de la Commission sur la « législation applicable aux végétaux produits à l’aide de certaines nouvelles techniques génomiques », rendus publics dans la foulée de cette réunion informelle des ministres de l’Agriculture. Sur les 2 300 avis recueillis (dont 66 % provenant de citoyens de l’UE), 79% des participants ont estimé que « les dispositions actuelles de la législation sur les OGM ne sont pas adaptées aux plantes obtenues par mutagenèse ciblée ou cisgénèse ». De plus, 61 % du total des répondants sont favorables à une approche d’évaluation des risques différente de l’approche actuelle dans le cadre des OGM. Plus intéressant encore, 27 % pensent que l’évaluation des risques n’est pas nécessaire lorsque ces plantes auraient pu être produites par sélection végétale conventionnelle ou par mutagénèse classique.

« Dans le contexte actuel de crise alimentaire mondiale, l’UE ne peut se permettre de laisser passer les opportunités que ces techniques de sélection modernes peuvent offrir », estime la présidence tchèque du Conseil de l’UE

Finalement, seuls 22 % des participants – composés à une large majorité d’organisations environnementales ainsi que de consommateurs – estiment que les exigences en matière d’évaluation des risques de la législation actuelle sur les OGM devraient être maintenues.

Inquiétudes chez les écolos

Ces vents favorables aux NGT inquiètent vivement la nébuleuse écologiste européenne.

Ainsi, le 29 septembre de cette année, le groupe parlementaire européen Les Verts/ALE a publié un rapport intitulé Behind The Smokescreen, rédigé par Claire Robinson (GM Watch) avec l’aide d’Inf’OGM, dénonçant certains scientifiques européens « faisant pression pour la déréglementation des OGM ». Selon eux, « outre l’industrie semencière, des organisations scientifiques telles que l’Organisation européenne pour la science du végétal (Epso), la Fédération européenne des académies des sciences et des sciences humaines (Allea) et le réseau pour une agriculture européenne durable grâce à l’édition du génome (EU-Sage) ont également fait pression en faveur d’un changement législatif ». Bref, une fois de plus, les anti-OGM agitent l’épouvantail du « lobby ».

Peu de temps après, une trentaine d’ONG ont publié une lettre ouverte à Stella Kyriakides, la commissaire européenne à la Santé et la sécurité alimentaire, pour dénoncer « la voie biaisée de la Commission européenne vers la déréglementation des nouveaux OGM ». S’avouant « particulièrement préoccupées par la manière dont l’enquête ciblée sur les NGT, à laquelle nous avons été invitées à participer, sera menée », les ONG ajoutent : « L’enquête ciblée semble être encore plus biaisée [que la consultation publique] en faveur d’une déréglementation de grande envergure des OGM dans l’agriculture et l’alimentation. L’enquête est d’une unilatéralité alarmante et plusieurs éléments la rendent inadéquate pour une évaluation sérieuse de la réglementation des NGT. Les questions et les options de réponse, les scénarios présentés et les textes d’accompagnement révèlent à nouveau l’objectif apparemment déjà fixé de déréglementation des NGT. » Et de conclure que cette enquête ciblée « ne peut donc pas être utilisée comme base pour l’analyse d’impact ou tout nouveau cadre juridique pour les NGT ».

Toutefois, en dépit de ces protestations clairement manifestées, la mouvance écologiste peine à mobiliser le grand public. La dernière conférence organisée par European GMO-Free Regions, réunissant tous les opposants européens aux OGM, remonte déjà à 2018, et la pétition européenne lancée au début du mois de mai 2022 semble plafonner aux alentours de moins de 350 000 signatures. Aucune commune mesure, donc, avec des pétitions précédemment récoltées par les initiatives citoyennes européennes contre les pesticides ou contre le glyphosate…

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