Alors que Dominique Marion, le président de la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab), dénonce la « guerre des prix » que livrent actuellement les enseignes de la grande distribution (Auchan et Leader Price) sur les produits issus de l’agriculture biologique, le site Bastamag.net met en cause les pratiques « importées de la grande distribution » du réseau Biocoop [[Le réseau Biocoop peut-il perdre son âme ?, bastamag.net, 10 juin 2010.]].
« L’éthique et les valeurs sociales de Biocoop sont aujourd’hui menacées par les logiques de compétitivité à tout prix, aux dépens des salariés et des fournisseurs », note la journaliste Nolwenn Weiler, qui s’inquiète des méthodes « importées de la grande distribution ». « À partir des années 2000, Biocoop, victime de son succès, recrute des personnes issues de la grande distribution. Certains déplorent un changement de culture au sein du réseau coopératif. En cause notamment : les promos à gogo ». Exclu du réseau en 2009, « pour cause de désaccords politiques et de conflits d’intérêts sur l’ouverture d’un second magasin dans le secteur », Claude Le Bourhis, gérant d’une société coopérative de distribution de produits bio à Concarneau (Finistère), se souvient avoir été invité par Biocoop à proposer plus de 25 promotions au cours de la même année, alors qu’il n’en proposait auparavant qu’une en été et une en hiver. « Pour nous, un produit a un prix, point. Je comprends qu’il faille parfois en mettre un en avant. Mais tout est question de mesure. De plus, mobiliser à outrance les magasins et les fournisseurs pour obtenir un prix promotionnel porte atteinte au reste du travail », déclare Claude Le Bourhis, qui accuse lui aussi Biocoop de pratiquer « un copier-coller des méthodes de la grande distribution dans le rapport aux producteurs, aux salariés et aux clients ». Mais comme le reconnaît Carole Prost, de Bio Consom’acteurs, « la concurrence est très forte, et certains consommateurs Biocoop partent vers la grande distribution »…
Une situation qui exerce une pression certaine sur Biocoop, qui a cessé d’être une association pour devenir une Société anonyme coopérative depuis 2002. Selon Bastamag.net, certains acquis sociaux des salariés se seraient dégradés depuis. Notamment avec les inégalités salariales et l’apparition du travail de nuit et du samedi – certes votées par une majorité des salariés. « Il y a un sentiment d’appauvrissement général », reconnaît Brigitte Masure, déléguée syndicale de Force ouvrière. Contactés par les journalistes de Bastamag.net, la plupart des salariés refusent d’en dire davantage. D’autres insistent pour rester anonymes « par crainte de tensions et de pressions ». « J’ai quitté la grande distribution il y a 10 ans, j’ai la désagréable impression d’être en train d’y remettre les pieds », témoigne un salarié en charge des relations avec les fournisseurs. « Travailler avec Biocoop, c’est moins simple qu’avant. La réalité économique a plus d’importance que la réalité éthique. La bio industrielle, française mais non locale, propose ainsi en rayon chez Biocoop des yaourts deux fois moins chers que les nôtres ! Du coup, nos linéaires ont diminué », confie lui aussi anonymement un producteur transformateur breton.
Le président de la Fnab, Dominique Marion, reconnait avoir « eu vent de rumeurs négatives (…), mais aucun retour concret de producteurs qui se plaindraient de pressions ». « Pour le moment, nous ne sommes pas inquiets », a-t-il indiqué. Dominique Marion est visiblement davantage préoccupé par les promotions d’Auchan et de Leader Price que par celles du réseau Biocoop, dont il est membre du conseil d’administration et du comité d’éthique…