Alors qu’il était encore ignorant des grandes spécificités de l’agriculture, le candidat Macron s’est engagé lors de la campagne présidentielle à séparer le conseil de la vente des produits phytosanitaires.
Cette « fausse bonne idée », pour reprendre les propos du député socialiste Dominique Potier, auteur du rapport Pesticides et agro-écologie, les champs du possible, a été murmurée à l’oreille d’Emmanuel Macron par ses amis de l’écolosphère, convaincus que cette mesure permettrait de diminuer l’usage des produits phytosanitaires. Or, tel n’est pas l’avis du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux qui s’est, lui, prononcé en défaveur de cette option, la jugeant « à la fois coûteuse et peu efficace ».
Il est vrai que les secteurs qui ont mis en place ce type de séparation – par exemple celui de la santé – ne témoignent pas vraiment en faveur d’une telle mesure. Comme le notait Bertrand de Launay à l’époque où il dirigeait InVivo Agro, « l’existence des médecins, qui sont les conseillers pour les médicaments alors que les pharmaciens en sont les distributeurs, n’empêche pas les dépenses de santé de continuer à croître dans notre pays ». Structurés partiellement selon une telle séparation entre le conseil et la vente, nos voisins anglais ont d’ailleurs déjà tenté l’expérience, avec comme résultat une hausse de la consommation des produits phytosanitaires de l’ordre de 15 % pour les agriculteurs suivis par des conseillers indépendants par rapport à ceux suivis par les distributeurs.
L’on comprend donc aisément pourquoi le très raisonnable ministre de l’Agriculture du précédent gouvernement, Stéphane Le Foll, avait refusé cette mesure futile, plaçant plutôt ses espoirs dans une réduction de l’usage des pesticides à travers les fameux certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP), un dispositif qui consiste à forcer les vendeurs de produits phytosanitaires à proposer des mesures de protection des cultures par des moyens alternatifs à la chimie de synthèse. Un objectif chiffré assorti de sanctions financières en cas de résultats défaillants accompagne le mécanisme d’application des CEPP acté par la loi.
Inutile donc de préciser que le fonctionnement même des CEPP demeure intrinsèquement lié à la nécessité pour le vendeur de pouvoir également conseiller ses clients. Sinon aucune sanction financière ne pourra légalement lui être imposée. Ce petit point semble toutefois avoir été omis par le président de la République qui a réitéré à la fois son engagement de campagne d’une séparation « capita- listique » entre vendeurs et conseillers et celui du maintien du dispositif des CEPP. Interrogé par A&E à ce sujet en marge des Etats généraux de l’alimentation, Dominique Potier, qui a présidé l’Atelier 11, a botté en touche, répondant que les services de l’administration planchent sur le dossier pour trouver une solution à cette absurde double injonction présidentielle.
Il serait pourtant tellement plus simple d’expliquer au locataire de l’Elysée qu’il s’est fait piéger par les amis de son incompétent ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot. Car telle est la triste réalité.