À l’occasion du Salon de l’agriculture, le Collectif Nourrir a rendu public son manifeste appelant à installer un million de paysans d’ici 2050 afin de réaliser son projet de transition agroécologique
Loin d’être un obscur groupuscule écologiste, le Collectif Nourrir est une association regroupant une cinquantaine d’organisations « paysannes et citoyennes », toutes aussi hostiles les unes que les autres au modèle agricole qui nourrit la France. On y retrouve les habituels agribasheurs que sont notamment Greenpeace, France Nature Environnement, Les Amis de la Terre, Générations Futures, Agir pour l’environnement. Mais également la Fnab et la Confédération paysanne, dont l’un des responsables vendéens, le producteur de lait bio Mathieu Courgeau, y figure comme coprésident.
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Dans son dernier manifeste, le Collectif propose d’installer d’ici 2050 un million d’agriculteurs en France, soit 40 000 installations par an. C’est-à-dire trois fois plus qu’actuellement. Selon Mathieu Courgeau, « atteindre 1 million de paysans et de paysannes d’ici 2050 n’est pas une utopie : c’est une nécessité à laquelle les politiques publiques doivent résolument s’atteler ». Et il formule le souhait de s’appuyer sur la loi d’orientation agricole en cours de concertation pour « fixer ce cap ».
Clownesque
Cet objectif ne fait cependant pas vraiment consensus au sein du syndicat agricole. En effet, lorsque le député La France insoumise Louis Boyard avait profité de l’émission de LCP « Politiques à table », en décembre 2022, pour plaider en faveur de l’installation de 300 000 agriculteurs supplémentaires, Laurent Pinatel, ancien porte-parole de la Confédération paysanne, avait vivement réagi en le traitant de clown. « Qui est ce pitre qui vient faire des cours d’agriculture ? 300 000 agriculteurs de plus ? Sors de ta bulle et viens voir les fermes qui n’ont aucun repreneur… 300 000, quel clown », pouvait-on lire alors sur son compte Twitter.
C’est pourquoi il aurait été plus que souhaitable que le Collectif Nourrir démontre, arguments à l’appui, que son ambition d’un million d’installations « n’est pas une utopie ». D’autant qu’on se souvient qu’en pleine crise du Covid, en 2020, les agriculteurs n’avaient pas réussi, en dépit de leur cri d’alarme, à trouver 200 000 travailleurs saisonniers pour remplacer la main-d’œuvre, notamment étrangère, qu’ils emploient habituellement pour les travaux des champs.
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Des relents du modèle chinois
Dans une note intitulée Demain, quel système agricole et alimentaire pour quelle société ?, le Collectif Nourrir livre quelques pistes qui se déclinent plutôt en vagues orientations : « Les métiers nécessaires au bon fonctionnement du système agroécologique sont valorisés auprès de la population et rémunérés dignement. » Qui pourrait raisonnablement s’opposer à l’idée de rémunérer dignement les agriculteurs ? Pour le collectif, la solution passe de toute évidence par la sortie du modèle capitaliste pour revenir à une économie régulée tant pour ce qui concerne les marchés que les prix, et cela « à la fois avec le reste du monde et au sein du marché commun européen ». On imagine sans peine la difficulté qu’on aura à convaincre nos partenaires européens, avant même de traiter avec des géants de l’agriculture comme le Brésil ou les États-Unis !
Reste aussi à convaincre les citoyens de se tourner vers l’emploi agricole. C’est pourquoi le collectif propose de réaliser « des campagnes de communication et d’information, adossées à des parcours de formation adaptés », afin de permettre « l’installation de paysan·ne·s et le recrutement de travailleur·se·s. »! Ces parcours de formation et d’installation « sont repensés pour s’adapter aux besoins des porteurs et porteuses de projet qui ne sont pas toujours issu·e·s du milieu agricole ». Des projets qui devront naturellement être exigeants en main-d’œuvre et s’organiser autour de petites structures, puisque « la course à l’agrandissement et au surinvestissement n’est plus encouragée ».
On devine déjà la masse de citadins écolo-bobos prêts à se précipiter vers les campagnes pour vivre leurs rêves champêtres et mettre les mains et les pieds dans la terre… à l’image, peut-être, du « Grand Bond en avant » mis en œuvre de 1958 à 1960 par Mao Zedong, et qui fut à l’origine de la plus grande famine de l’empire du Grand Timonier.